Les sages de la rue Cambon n’ont pas ménagé le compteur Linky d’Enedis, filiale d'EDF, dans leur rapport annuel. Alors que huit millions d’appareils ont été installés depuis 2010, le verdict est sans appel : «Les gains que les compteurs intelligents peuvent apporter aux consommateurs sont insuffisants.»
Les auteurs du rapport dénoncent un «dispositif coûteux pour le consommateur mais avantageux pour Enedis». Ils n’ont pas manqué de noter que les 5,7 milliards d'euros nécessaires à l’installation des 39 millions de compteurs jusqu’en 2021 seront répercutés sur les consommateurs. La dépense de 130 euros par appareil sera «assuré[e] par les usagers» dès lors que le compteur leur aura permis de commencer à faire des économies. Ce report sur les factures occasionnera «un différé tarifaire au coût excessif», selon les sages.
Des factures alourdies par le prix de l'appareil pour le consommateur... mais paradoxalement des revenus substantiels supplémentaires pour EDF. Ayant consenti un prêt rémunéré, l'entreprise récupérera en effet 500 millions d’euros à la fin de l'opération, même si elle ne peux pas vraiment se vanter des performances de son nouvel appareil. La Cour fustige donc une rémunération trop «généreuse», qui doit selon elle «être revue».
Où sont les économies promises par Linky ?
Outre le coût du dispositif, le rapport fustige la quasi impossibilité pour les ménages de réaliser par l’utilisation du compteur les économies pourtant promises. Les installateurs prennent rarement le temps d’expliquer aux consommateur comment exploiter au mieux l’appareil. Le manque de clarté des informations rend également l’usage du compteur communicant très difficile. L'affichage en kilowattheures ne permet pas de réaliser à quel moment il serait bon de faire des économies en diminuant sa consommation. Bilan : seuls 1,5 % des utilisateurs se sont ouverts un compte pour comprendre comment mieux maîtriser leur consommation.
Ce défaut de pédagogie n'a pas échappé aux sages de la rue Cambon qui ont demandé à Enedis de développer «les moyens mis en place pour permettre à l'usager de connaître sa consommation détaillée, préalable à toute action de maîtrise de la demande d'énergie».
La cour demande en outre que «l'État pilote effectivement les actions permettant de valoriser les contributions de Linky à la maîtrise de la demande d'énergie, en commençant par une meilleure information des usagers sur leur consommation».
Par ailleurs le compteur Linky permet au client de couper l’électricité en heure de pointe pour décongestionner le réseau, cet arrêt de consommation volontaire, «l’effacement» se voyant rémunéré. Or le dispositif balbutiant est encore largement insuffisant. Il faut en effet «six heures entre la décision de procéder à l'effacement et la mise hors tension de certains équipements en aval des compteurs».
Chez les consommateurs, la fronde contre ce nouveau compteur s'organise. En cause, outre le coût considérable de la pose : la création selon eux d'une nouvelle pollution électromagnétique et les données de consommation, susceptibles d'être utilisées par ENEDIS. Des collectifs régionaux ou des associations s'engagent dans le combat anti-Linky. En tout 360 communes anti-Linky se sont opposées à sa mise en place.