France

Grenades, Flash-Ball, nasses : le Défenseur des droits veut-il désarmer la police ?

Jacques Toubon se saisit à nouveau du sujet des lanceurs de balles de défense des forces de l'ordre et souhaite un encadrement plus strict des stratégies antiémeutes. L'Assemblée se réserve le droit de suivre ou non ses préconisations.

Le 10 janvier, dans un rapport sur le maintien de l’ordre remis au président de l’Assemblée nationale, le Défenseur des droits Jacques Toubon préconise l’interdiction de l’usage des lanceurs de balle de défense (LBD, dont le fameux Flash-Ball fait partie) dans le cadre du maintien de l’ordre. Il alerte également sur l'usage d'autres armes dites de «force intermédiaire», telles que les grenades de désencerclement, ayant donné lieu à de «nombreuses réclamations», selon le Défenseur des droits, qui demande «qu’une étude […] soit réalisée sous son égide».

La nasse également dans le viseur du Défenseur des droits

Il souhaite également que les stratégies de nasse (ou d'encagement), qui consistent pour les forces de l'ordre à encercler les manifestants, soient «strictement définie[s] par un cadre légal». Jacques Toubon a aussi préconisé une «modernisation» du régime des sommations et une «clarification» du cadre juridique des fouilles, ainsi que du filtrage de foule dans les manifestations.

Le rapport du Défenseur des droits avait été commandé en 2017 par Claude Bartolone, alors président de l'Assemblée nationale, en amont des manifestations contre la loi travail. L'actuel président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, transmettra donc ce rapport à la Commission des lois, mais il a d'ores et déjà fait savoir que cet avis «n’engage[ait] en rien l’Assemblée» qui «pourra apprécier les suites à donner».

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Un «usage dangereux et problématique», selon Toubon

Pour sa part, Jacques Toubon estime que le modèle LBD40, à plus longue portée que le lanceur de la marque Flash-Ball, qui équipe les forces de l'ordre en manifestation, présenterait «des caractéristiques [qui] rendent son usage dangereux et problématique dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre».

Le Défenseur des droits ajoute que, selon lui, cette arme de quatrième catégorie serait «susceptible de blesser grièvement un manifestant, d’engager la responsabilité du tireur, et d’entraîner des réactions imprévisibles de la part des manifestants témoins d’une blessure grave occasionnée par des policiers à un manifestant, que le tir soit conforme ou non aux règles d’emploi.»

Mettant indirectement en cause le jugement des membres des forces de l'ordre, il précise également : «Par ailleurs, le caractère "non létal" des armes de force intermédiaire conduit en pratique les agents à les utiliser avec moins de précautions que les armes traditionnelles.»

Ne pas confondre LBD40 et Flash-Ball

Pour mémoire, les forces de l'ordre françaises sont équipées de deux sortes de lanceurs de balles de défense : le Flash-Ball (commercialisé par une entreprise stéphanoise) et le LBD40 (mis au point par la police en 2008 après les émeutes de Villiers-le-Bel en 2007). Il s'agit de deux armes non-létales de quatrième catégorie.

L'emploi du Flash-Ball est préconisé pour des distances courtes (entre sept et 20 mètres) et le LBD40 pour des distances supérieures à 20 mètres. Mais plusieurs incidents ont par le passé démontré que le respect de ces consignes n'étaient pas toujours de mise : en 2010, un homme était mort à Marseille après un tir porté à seulement «quelques mètres».

Jacques Toubon s'était déjà intéressé à ce dossier en 2015 et avait notamment déclaré à France Soir : «Le Flash-Ball est une arme très imprécise. [...] On peut viser l'épaule et toucher l'œil. Ce qui est le cas de beaucoup d'affaires que nous avons.»

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