France

Contradictions et approximations : l'exécutif s'emmêle-t-il les pinceaux sur la laïcité ?

Après les propos d'Emmanuel Macron sur la laïcité tenus en décembre, le gouvernement semble en peine de préciser la pensée du chef de l'Etat sur le sujet de la religion alors que ses membres défendent des vues semblant parfois s'y opposer.

La ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a livré sa vision de la laïcité le 7 janvier sur le plateau de Dimanche en politique sur France 3. «La laïcité, ce n'est pas "je mets en avant ou j'oppose telle religion et telle religion". La laïcité, c'est la liberté de conscience, c’est mettre dans la sphère privée, et uniquement la sphère privée, les convictions philosophiques, religieuses, etc., des individus. Pour garantir que ces convictions, ils puissent continuer à les avoir, mais elles n'ont pas à rentrer dans la sphère publique», a-t-elle déclaré.

Si Frédérique Vidal avait pourtant précisé qu'elle était «profondément attachée» à la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat, sa définition de la laïcité ne correspond pas à celle qu'en donne la loi en question. En effet, celle-ci ne prévoit aucunement que les convictions philosophiques ou religieuses soient restreintes à la seule sphère privée. Le ministre a ainsi suscité un tollé sur les réseaux sociaux qu'elle a par la suite tenté d'apaiser par un tweet plus concis que les propos qu'elle venait de tenir sur la chaîne publique : «La laïcité, c’est la liberté de conscience, c’est mettre dans la sphère privée les convictions philosophiques, religieuses.»

La ministre de l'Enseignement supérieur était en réalité invitée à rebondir sur les propos tenus par Emmanuel Macron lors de sa rencontre avec divers représentants des cultes à l'Elysée le 21 décembre. Celui-ci avait évoqué sa crainte vis-à-vis d'une certaine «radicalisation de la laïcité». 

L'ancien Premier ministre Manuel Valls, qui siège dans les rangs du parti présidentiel à l'Assemblée, a saisi l'occasion pour se jeter dans la mêlée. Au micro d'Europe 1, le 9 janvier, le député de l'Essonne a ainsi adressé un petit tacle au gouvernement : «Le vrai danger dans la société française, c'est l'islam radical, ce n'est pas la laïcité radicalisée. Faire un parallèle à travers cet adjectif "radicalisé" entre les deux me paraît une faute.»

Pour Marlène Schiappa, la laïcité est un «combat»

Marlène Schiappa, Secrétaire d'état chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, s'est également intéressé à la question de la laïcité. Elle publie en effet un ouvrage intitulé Laïcité, point ! dans lequel elle exhorte le gouvernement à défendre la laïcité et à en faire un «combat». Selon elle, la laïcité ne devrait pas selon elle se résumer à «l’œcuménisme» et à la «simple coexistence des religions». 

Or, les écrits de la secrétaire d'Etat détonnent après les récentes déclarations du président de la République et semblent encore plus renforcer l'idée que le gouvernement n'est pas univoque sur le sujet. Alors que dans ses vœux du 4 janvier Emmanuel Macron assurait aux autorités religieuses : «Vous participez à la vie de la Nation» ou encore «La foi religieuse qui relève de l'intime ne disqualifie pas pour être citoyen», Marlène Schiappa juge quant à elle que la laïcité «protège de l'instrumentalisation politique de la religion» et «rend inéligible les ministres des cultes».

Outre cette divergence assez nette, Marlène Schiappa témoigne également d'une certaine imprécision dans son ouvrage. Elle évoque en effet la «neutralité des élèves et des professeurs», quand la loi de 2004 ne prohibe que les signes «ostentatoires» d'appartenance à une religion portés à l'école.

Selon les informations de l'hebdomadaire Marianne, Emmanuel Macron, très attendu sur le sujet, devrait prononcer en janvier un grand discours sur la nation et dévoiler sa propre conception de la laïcité. L'occasion de mettre de l'ordre dans les opinions tous azimuts exprimées ces derniers jours par ses ministres ?

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