Partout dans les quartiers de Jaurès, Stalingrad et le long du canal Saint-Martin à Paris, des centaines de migrants dorment à même le sol, au milieu de monceaux d’ordures, parfois plusieurs nuits d’affilée. Jour après jour, ils attendent un rendez-vous à la Plateforme d'accueil des demandeurs d'asile (Pada), où doivent s’enregistrer les primo-arrivants. Une situation inacceptable qui laisse tout le quartier – migrants, riverains ou bénévoles – démuni.
Il n’existe en effet qu’un seul centre à Paris pour les enregistrements, au 127 boulevard de la Villette, dans le Xème arrondissement de Paris, censé déménager à une date non déterminée. Alors seuls quelques rendez-vous sont accordés par jour, en vue d'un futur entretien à la préfecture. Pour être sûrs d'en décrocher un, les migrants veulent arriver tôt et dorment sur place, recouverts de cartons, ou au mieux dans des tentes. Dès l'aube, les altercations commencent pour gagner les premières places. «40 000 personnes ont dormi ici sur ces trottoirs pendant 20 mois !», déplore Pierre Vuarin, porte-parole du Collectif des habitants associés, une association de riverains du quartier, qui s'est confié à la caméra de RT France. La police est présente de 7h à 23h pour sécuriser la zone, et dégaine parfois le gaz lacrymogène.
Du côté des migrants, l'expérience est aussi difficile que houleuse : «Quand vous vivez ici toute la nuit, il fait froid, vous ne pouvez pas dormir. Mais la journée, la police vient et vous réveille, et si vous ne vous réveillez pas, ils vous gazent», explique un migrant qui a voulu garder l’anonymat, au micro de RT France. «C’est un problème pour eux, ils nous disent de quitter le camp pour aller dans un centre. Mais quand on y va, ils nous disent que c’est complet, qu’il n’y a pas de place pour nous», poursuit-il.
Des riverains excédés qui menacent de grève de la faim
Les voisins s'impliquent souvent dans l'aide aux migrants, mais sont aussi victimes des nuisances engendrées par la situation. Ils ne supportent plus la misère, les ordures, les excréments aux quatre vents. L'attente pour être reçu par la Pada a développé «d’énormes camps de personnes sur tout le quartier avec tous les problèmes sanitaires de cohabitation entre elles, de violences, d’émeutes», dénonce Pierre Vuarin.
Les riverains à bout de nerfs ont fini par interpeller le président de la République en lui adressant une lettre exigeant le déménagement de la Pada. «Si cet engagement n’est pas pris d’ici la fin de l’année nous nous engageons à faire une grève de la faim par groupes», a averti Pierre Vuarin. «Il faut arrêter ce système Pada qui détruit le quartier et détruit le droit d’asile car il en donne une image terrible», poursuit-il. La lettre dénonce le fait que cette plateforme «crée les conditions d’une violence permanente» et fixerait dans leur quartier et à Paris «des milliers de personnes sans alimentation ni logement».
Le collectif rappelle à Emmanuel Macron sa promesse de ne laisser «ni femme ni homme dans la rue». Soulignant la faillite de ces belles paroles, Pierre Vuarin évoque «une situation indigne, humiliante pour les demandeurs d’asile mais aussi pour les personnes qui vivent ici». «Le quartier est transformé malheureusement en WC public», déplore le riverain.
Le pouvoir se renvoie la balle sur la question des migrants
Réponse de l’Elysée à la lettre, selon Le Figaro du 9 décembre : «le président a pris connaissance avec attention des difficultés de cohabitation», et renvoie vers le ministère de l’Intérieur. Voir les décisionnaires politiques se renvoyer ainsi la balle est très fréquent au sujet du sort des migrants. Selon Le Figaro, le maire du Xème arrondissement, Alexandra Cordebard, a rappelé l’Etat à ses engagements pour le déménagement de la Pada.
Du côté des associations d'aide aux migrants, on note aussi l'inaction des politiques. Une bénévole confie à RT France : «Le gouvernement ne fait rien du tout. Ils ne subventionnent même pas les associations pour les aider, et en plus on est tous des bénévoles [...] On fait appel essentiellement aux dons,des entreprises, des boulangeries, des magasins.»
Le 18 décembre, riverains et associations attendront les élus pour leur faire signer une pétition.