France

Procès Merah : la réclusion criminelle à perpétuité requise contre le frère du tueur

L'avocate générale a requis la réclusion à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans contre Abdelkader Merah, accusé de complicité pour avoir facilité les crimes de son frère, le terroriste Mohammed Merah.

La réclusion criminelle à perpétuité a été requise le 30 octobre contre Abdelkader Merah, qui comparaît devant la cour d'assises de Paris pour «complicité» dans les assassinats perpétrés par son frère en mars 2012.

Prenant une dernière fois la parole en cette cinquième semaine d'un procès historique, l'avocate générale Naïma Rudloff, estimant qu'«Abdelkader [avait] fabriqué Mohammed Merah», a demandé à la cour d'assortir cette condamnation d'une peine de sûreté de 22 ans. Alors que le verdict est attendu le 2 novembre, elle a aussi réclamé 20 ans de réclusion criminelle assortie d'une peine de sûreté des deux tiers à l'encontre du deuxième accusé, Fettah Malki, jugé pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle».

«Merah est porteur d'un projet de société [...]. Sa cible est la démocratie [...]. Son but, répandre l'islam par l'intimidation et la terreur, une idéologie totalitaire maquillée de religiosité», a affirmé la magistrate dans ses réquisitions.

«Le terrorisme a aujourd'hui un nouveau visage et c'est le rôle de la justice d'être capable de le démasquer. Votre décision sera une leçon de démocratie», a-t-elle lancé à l'adresse de la cour. «Face à la menace terroriste, nous avons tant de vies à sauver», a-t-elle insisté, s'attachant, durant plus de trois heures, à démontrer dans le détail la culpabilité des deux accusés.

Abdelkader Merah, 35 ans, est accusé d'avoir sciemment facilité la préparation des crimes de son frère en l'aidant à dérober un scooter et à acheter un blouson utilisés lors des faits. Il est également accusé d'avoir participé «à un groupement criminel affilié à Al-Qaïda prônant un islamisme djihadiste [...] en appliquant à lui-même et à son frère Mohammed les recommandations de cette organisation».

La justice reproche à Fettah Malki, 34 ans, d'avoir fourni à Mohammed Merah un gilet pare-balles, un pistolet-mitrailleur et des munitions utilisés par le tueur.

«Le sachant» et «l'exécutant»

Entre le 11 et le 19 mars 2012, Mohammed Merah a assassiné trois militaires, trois enfants et un enseignant juifs à Toulouse et Montauban, avant d'être abattu le 22 mars dans son appartement par le Raid, à l'issue d'un siège de 32 heures suivi par les médias du monde entier.

«[Le discours de l'avocate générale] m'a apaisée. J'entendais chaque mot, chaque souffle de cette femme et mon cœur battait. J'ai confiance», a réagi après le réquisitoire Latifa Ibn Ziaten, mère du premier soldat tué par Mohammed Merah. «Entre les frères Merah et leurs victimes, il n'y avait rien de personnel. Elles ont été tuées parce qu'elles représentaient un symbole, celui de l'Etat français et celui de l'ennemi juif», a souligné la magistrate.

«Mohammed Merah a tiré à 29 reprises sur des cibles humaines sur trois scènes de crime. Je ne connais aucun homme, même aussi amoral, capable de faire cela sans une légitimation de ses actes», a-t-elle poursuivi. «Et ce n'est pas un émir du Waziristan [zones tribales du Pakistan où Mohammed Merah a été adoubé par un groupe affilié à Al-Qaïda] qui a pu impulser cette légitimation. Autour de lui, il n'y avait qu'un seul homme capable de le faire : son frère», a-t-elle tranché.

Pour la représentante de l'accusation : «[Abdelkader Merah] a eu un rôle direct dans le choix des cibles [et] il a accompagné son frère jusqu'au bout [...] L'un était le sachant, l'autre l'exécutant.» Elle a aussi mis en exergue les fichiers de cours de préparation au djihad retrouvés chez l'accusé, parlant de «documents opérationnels». Quant au vol du scooter, l'avocate générale a expliqué que les frères Merah avaient repéré l'engin, suivi son propriétaire et su profiter d'une opportunité lorsque ce dernier a laissé ses clefs sur le tableau de bord.

Sur Fettah Malki, décrit comme «sans loi, sans foi, sans morale», elle a estimé que le délinquant avait vendu l'arme et le gilet pare-balles à Merah en connaissant sa radicalisation, même s'il n'était pas au courant «de ses projets précis».

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