Dans un ouvrage intitulé Avec les compliments du guide, mis en vente le 18 octobre, les journalistes de Mediapart Fabrice Arfi et Karl Laske ont retracé méticuleusement les relations entretenues par le guide suprême libyen avec l'ancien président français Nicolas Sarkozy et son entourage. Ils ont cherché à lever le voile, documents judiciaires et entretiens à l'appui, sur les zones d'ombre qui entourent le financement de la campagne présidentielle de l'ex-homme fort de la droite en 2007, qui fait toujours l’objet d’une enquête judiciaire.
Cinq millions d'euros pour financer la campagne de 2007 ?
Les deux journalistes d'investigation se sont intéressés en premier lieu à l'audition en 2012 devant la Cour pénale internationale (CPI) de l’ex-chef du renseignement militaire libyen Abdallah Senoussi, lors de laquelle ce dernier avait affirmé avoir supervisé en personne un transfert de cinq millions d’euros à destination de la campagne du futur chef de l'Etat français.
Fabrice Arfi et Karl Laske se sont également penchés sur les carnets de l’ex-Premier ministre libyen Choukri Ghanem – retrouvé mort noyé dans le Danube en 2012 – dans lesquels figurent les sommes d'argent à répartir.
Le livre s'arrête évidemment sur le cas du sulfureux homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine. Ce dernier, désigné par Abdallah Senoussi lors de son audition devant la CPI comme le porteur des cinq millions d'euros, avait confirmé cette version le 15 novembre dernier. Face aux caméras de Mediapart, Ziad Takieddine avait affirmé avoir remis ces fonds personnellement, en trois fois : à deux reprises à Claude Guéant, alors directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, et une fois au futur chef de l'Etat lui-même.
Autre point clé de l'enquête, la fameuse note des services secrets libyens promettant 50 millions à Nicolas Sarkozy. Si rien ne prouve jusqu'à présent qu'un tel montant ait été versé, la note a été formellement authentifiée par la justice française.
Des sulfureux hommes d'affaires libyen en charge de la diplomatie française
Au-delà de son rôle de convoyeur de fonds, les deux journalistes démontrent comment Ziad Takieddine, ainsi que l'homme d'affaires français Alexandre Djouhri, que la justice considère comme un témoin clé mais qui craint de se rendre dans l'Hexagone (où il ne vit plus) de peur d'être arrêté, ont été mandatés par le pouvoir français sous la présidence Sarkozy, pour prendre en charge une partie de ses relations diplomatiques et économiques.
En mars 2011, la France a été l'un des moteurs de l'intervention de l'OTAN en Libye, qui s'est terminée avec la capture par des rebelles puis la mort de Mouammar Kadhafi, le 20 octobre de la même année. Soutenant que Nicolas Sarkozy serait à l'origine de l'assassinat de l'ancien dirigeant libyen, une quinzaine d'associations africaines ont déposé en octobre 2017 une plainte auprès de la CPI contre l'ancien président français.
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