France

L’Algérie raciste ? Une directive anti-migrants, finalement retirée, fait polémique dans le pays

Une polémique est née en Algérie suite à une directive interdisant l'accès des migrants illégaux aux transports publics, annulée depuis. Celle-ci fait écho aux propos parfois virulents tenus contre les migrants par des membres du gouvernement.

Une nouvelle illustration de la dureté de ton adoptée par les autorités algériennes vis-à-vis des migrants ? Une note du ministère des Transports reçue par la commune côtière de Mostaganem le 27 septembre avait interdit à toutes les compagnies de transports en commun de véhiculer des migrants sous peine de retrait de permis. Immédiatement partagée sur les réseaux sociaux, on pouvait y lire comme sur la copie ci dessous publiée sur Twitter: «Dans le cadre de la lutte contre l’immigration illégale et en exécution de la directive ministérielle citée plus haut, il est désormais strictement interdit aux compagnies de transports en commun, y compris les chauffeurs de taxis et de bus inter-wilayas, de transporter des migrants illégaux à bord de leurs véhicules.» 

Sur Twitter, la directive a suscité beaucoup de réactions, certains citoyens faisant connaître leur indignation.

Face au scandale, le ministère algérien des Transports a transmis une rectification le 28 septembre énonçant sobrement, information donnée par le Huffpost Algeria: «La direction publique des transports de Mostaganem présente ses excuses pour l’erreur commise dans le communiqué en ce sens émis le 27 septembre 2017.»

 

 

Le ton se durcit contre les migrants

Sur Twitter, le hashtag «Non aux Africains en Algérie» apparu fin juin témoigne du sentiment anti-migrants qui se répand dans une partie de la population.

Utilisant le mot-clé, certains citoyens y font notamment état de leur refus d'accueillir des migrants. 

D'autres relatent des extraits de presse, concernant ici un fait divers de viol commis par des Africains.

Aux messages hostiles à la venue des Africains ont cependant répliqué des messages de citoyens contre le racisme.

Au niveau gouvernemental, le ton s’est également durci. Ahmed Ouyahia, à l'époque chef de cabinet d'Abdelaziz Bouteflika (et désormais Premier ministre), a eu le dimanche 9 juillet sur la chaîne d’infos Al Nahar des mots très durs envers les migrants: «La communauté africaine qui réside en Algérie de manière illégale apporte de la drogue, de la délinquance et d’autres fléaux. On ne peut pas dire aux autorités, jetez-les à la mer, mais il faut vivre en Algérie de manière légale.» Il ajoute même: «On va me dire "les droits de l’homme !", mais on est les rois chez nous !»

Des propos qui avaient choqué certains internautes.

Des ONG de défense des droits de l'homme ont aussitôt réagi pour dénoncer cette intervention du chef de cabinet du président. Dans un communiqué Amnesty International a considéré ces propos comme «choquants et scandaleux». Ils «alimentent le racisme et favorisent la discrimination et le rejet de ces personnes» a statué le secrétaire général de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH). L’écrivain Kamel Daoud avait aussi publié dans une tribune dans le magazine Le Point pour fustiger la xénophobie qui infuserait selon lui dans son pays : «Et encore plus tragique, ce refus d'admettre le racisme chez soi, en soi, pour le dénoncer sans cesse chez l'autre, derrière la Méditerranée.»

Expulsions à répétition

Ces derniers temps, les clandestins subsahariens sont particulièrement dans le viseur du gouvernement qui multiplie les procédures d'expulsion.

La presse a ainsi annoncé qu'une expulsion de masse de migrants africains clandestins avait été organisée en décembre 2016. Plus de 1 500 migrants avaient été reconduits à Agadez, dans le nord du Niger, leur pays d’origine qui avait ensuite mis une semaine à organiser leur rapatriement. Puis plusieurs convois ont été mis sur les routes en août, selon Amnesty International.

Les dernières reconduites à la frontière datent, selon RFI, du 22 septembre 2017. Plusieurs dizaines de migrants d’Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale, ont été interpellés sur leur lieu de travail ou à leur domicile puis emmenés en bus à Tamanrasset, dans l'extrême sud du pays sans qu’ils sachent où ils allaient être relâchés. Une fois arrivés dans cette ville, ils ont été transportés dans d’autres bus jusqu'à Agadez.