France

Le CETA entrera provisoirement en vigueur le 21 septembre, les ONG grondent

Le gouvernement français a fait savoir le 13 septembre que le CETA, traité de libre-échange entre l'UE et le Canada, entrerait en vigueur le 21 septembre, et qu'il n'examinerait que quelques passages contestés du texte. Les ONG ont réagi avec colère.

Le traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada, accusé par ses contempteurs d’affaiblir les normes sanitaires et environnementales, a agité organisations, ONG, citoyens et hémicycles durant de nombreux mois. Le Parlement européen l’avait ratifié en février 2017.

Le 13 septembre, deux secrétaires d'Etat français, Jean-Baptiste Lemoyne (Affaires étrangères) et Brune Poirson (Transition écologique et solidaire), avaient annoncé lors d’une conférence de presse qu’il n’y aurait ni report ni gel du traité : 90% de son contenu entrera provisoirement en vigueur dès le 21 septembre, en attendant une approbation définitive par les parlements nationaux des membres de l'UE.

Parallèlement, des réflexions seront menées jusqu'à la fin du mois d'octobre pour proposer d'éventuels aménagements. Brune Poirson affirme que le gouvernement souhaite prendre du temps pour examiner certains passages contestés du traité, ce qui ne veut pas dire le renégocier. Le gouvernement compte notamment défendre une proposition de réforme d'une directive européenne sur la qualité des carburants, afin de compenser les effets jugés défavorables pour le climat d'une accentuation des transports commerciaux entre UE et Canada.

Les ONG dénoncent des risques pour la santé et l'environnement

Fermement engagées contre ce traité, de nombreuses ONG critiquent le gouvernement, qui à leurs yeux trahit les promesses de renégociation. «En refusant de renégocier l’accord, il sacrifie notre agriculture et notre environnement», déplorent dans un communiqué Foodwatch et la Fondation pour la nature et pour l'homme – créée par Nicolas Hulot, désormais ministre de la Transition écologique et solidaire. Ironiquement, avant sa nomination, ce dernier avait publié une tribune dans Libération, fustigeant le CETA, avantageux selon lui pour les multinationales et les lobbys, au détriment notamment des emplois des agriculteurs. 

Karine Jacquemart, directrice de Foodwatch, confie à RT France : «Si 90% du texte du CETA entre en vigueur comme prévu, ce serait incompréhensible, scandaleux et dangereux au vu des risques en termes de santé et d'environnement [...] A cause du CETA, il nous sera très difficile de décider de nouvelles réglementations, d'interdire les OGM ou les perturbateurs neuro-endocriniens.»

En cause ? La mise en place d'une dizaine de comités, dans lesquels des fonctionnaires européens et canadiens discuteront du rapprochement de leurs normes respectives, dans les domaines environnementaux, agricoles ou phytosanitaires. Un dispositif qui pourrait tirer vers le bas les normes européennes en la matière.

Autre sujet de préoccupation : les tribunaux d'arbitrage entre les Etats et les investisseurs privés, qui en cas de conflit, pourront demander des compensations financières. Cet élément fait partie des 10% du texte qui n'entreront pas en vigueur le 21 septembre, mais la perspective de sa mise en place future inquiète au plus haut point ses détracteurs.

«Cet accord de commerce est dit de nouvelle génération. On ne s'attaque pas qu'aux barrières tarifaires : on cherche à enlever toutes les barrières au commerce, dont nos normes sociales et environnementales», poursuit la directrice de Foodwatch. «Sur l'alimentation, [Foodwatch] veut que l'UE puisse retirer les perturbateurs neuro-endocriniens de notre alimentation, lutter contre les nouvelles formes d'OGM, profiter de notre étiquetage... Ce n'est pas acceptable de prendre [les risques posés par le traité], d'autant plus lorsqu'on considère qu'il n'y a pas de bénéfice vraiment démontré pour la France», conclut l'intéressée.

Un rapport accablant sur le CETA commandé par le gouvernement... mais non pris en compte ?

Face à la grogne anti-CETA, le gouvernement du Premier ministre Edouard Philippe avait commandé le 5 juillet 2017 un rapport à un groupe de travail composé d’ONG, de fédérations agricoles et de parlementaires. Les auteurs de ce document de 69 pages, rendu au Premier ministre, dénoncent les impacts du traité de libre-échange sur l’environnement et la santé. Ils critiquent le manque d’engagements contraignants concernant le climat et notent la persistance des subventions aux énergies fossiles et à la pêche.

Des arguments qui n'ont pas convaincu le gouvernement français de s'opposer frontalement à l'entrée en vigueur provisoire du traité.