France

Macron devant le Congrès : «dérive absolutiste», «coup de com' à 500 000 €» et menaces de boycott

Ayant décidé de réunir le Congrès à Versailles le 3 juillet, avant le discours de son Premier ministre, Emmanuel Macron s'attire les foudres de l'opposition qui y voit une opération de communication coûteuse qui rabaisserait le gouvernement.

C'est une décision inhabituelle qu'a prise Emmanuel Macron : il réunira le Congrès à Versailles le 3 juillet prochain, soit la veille du discours de politique générale de son Premier ministre Edouard Philippe. En choisissant de s'exprimer devant les députés et les sénateurs réunis pour l'occasion, le président de la République a provoqué le courroux d'une large partie de l'opposition, qui lui reproche de ne pas respecter les institutions.

Philippe Vigier, député de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) d'Eure-et-Loir, a estimé que cette convocation «vid[ait] le discours de politique générale du Premier ministre de toute substance». Selon lui, outre la faute institutionnelle que constitue cette décision, elle «grille la politesse» à Edouard Philippe.

Le député Les Républicains (LR) des Alpes-Maritimes Eric Ciotti partage également cette analyse et pointe du doigt l'effacement du rôle du Premier ministre que semble annoncer cette convocation. «Il n'y a plus de Premier ministre», a-t-il estimé ce 29 juin. Edouard Philippe se voit ainsi «relégué dans un rôle totalement subalterne», a-t-il déclaré à l'AFP. 

Damien Abad, député LR de la 5e circonscription de l'Ain, analyse le choix d'Emmanuel Macron comme une opération de communication visant à renforcer sa posture présidentielle. L'occasion pour le chef de l'Etat de s'exprimer devant les deux chambres réunies, introduite dans la Constitution par la révision de 2008, revêt en effet un caractère exceptionnel. Damien Abad, rappelant qu'elle ne doit servir qu'à proposer des réformes constitutionnelles de fond, s'est ainsi agacé de voir Emmanuel Macron «soigner son image». Il qualifie en outre cette initiative de «pied de nez à 500 000 euros fait au Premier ministre». Le prix estimé de la convocation du Congrès se situerait en effet entre 200 000 euros et 600 000 euros, selon les calculs de Paris Matchqui rappelle que l'opération avait coûté 250 000 euros sous Nicolas Sarkozy.

Florian Philippot, vice-président du Front national, a également dénoncé une opération de communication personnelle. Il a ajouté que cette dernière aurait pour but de «singer le président américain». L'initiative d'Emmanuel Macron rappelle en effet le discours sur l'état de l'Union, déclaration du président des Etats-Unis aux sénateurs et députés chaque mois de janvier, vieille tradition de la république américaine.

Le député socialiste de la 11e circonscription de Seine-et-Marne, Olivier Faure, y a vu un parallèle avec Nicolas Sarkozy, qui avait qualifié son Premier ministre François Fillon de simple «collaborateur» en 2008 – des propos très controversés à l'époque et régulièrement rappelés depuis lors pour dénoncer les tendances présidentialistes des présidents de la République. «Avec Nicolas Sarkozy le Premier ministre était un collaborateur, avec Emmanuel Macron, il risque de devenir un simple répétiteur», a tweeté le député, qui s'est inquiété d'une «dérive absolutiste».

Nicolas Dupont-Aignan, député de l'Essonne et président du parti Debout la France, voit dans cette «humiliation» infligée à Edouard Philippe la preuve qu'Emmanuel Macron, loin d'avoir choisi ce dernier pour ses qualités ou ses idées, ne souhaitait que recueillir les voix de la droite. Les législatives passées, le président de la République ne s'embarrasserait donc plus du protocole ou des conventions à l'égard de son Premier ministre.

Le boycott comme outil de contestation

A droite comme à gauche, plusieurs voix se sont élevées contre le caractère très unilatéral de cette cérémonie tirée au cordeau et à l'occasion de laquelle les différents groupes parlementaires n'auront pas l'occasion de s'exprimer. Différents parlementaires ont ainsi évoqué l'hypothèse d'un boycott de l'événement en signe de protestation. Certains, comme le sénateur de Paris et secrétaire national du Parti communiste français Pierre Laurent, ont évoqué, au conditionnel, une désertion des députés et sénateurs de leur camp.

D'autres se sont montrés plus catégoriques. C'est le cas notamment du député socialiste Régis Juanico, élu de la Loire, qui voit dans son absence un moyen de marquer sa désapprobation vis-à-vis de ce qu'il considère comme «une marque d'irrespect» de la part d'Emmanuel Macron.

Synthétisant les trois types de critiques adressées à Emmanuel Macron après l'annonce de la convocation du Congrès, Jean-Christophe Lagarde, chef de file des députés de l'UDI, a lui aussi annoncé qu'il ne se rendrait pas à Versailles pour contester le coût d'un événement qu'il juge «rabaissant» pour l'exécutif et d'ordre purement médiatique.

Nadine Morano, député européen LR, n'est pas concernée directement pas cette convocation du Congrès. Néanmoins, elle a appelé ses camarades siégeant au Palais du Luxembourg et au Palais Bourbon à ne pas répondre à l'appel du président de la République. «Inédit, scandaleux : les Républicains doivent boycotter le congrès !», a tweeté la Mosellane.

Selon Le Parisien, Emmanuel Macron aurait décidé d'assumer cette décision contre l'avis de certains de ses proches. Evoquant un «visiteur du soir» qui aurait tenté de dissuader le chef de l'Etat d'une telle «mise en scène du pouvoir absolu», avec pour conséquence une attente de résultats accrue de la part des Français, le quotidien note que le président n'a finalement pas renoncé, choisissant de relever un défi qui s'annonce d'ores et déjà comme périlleux.

Lire aussi : La CGT appelle à la grève générale le 12 septembre contre la réforme du code du travail