Le Front national (FN) tente de faire bonne figure, malgré l'immense déconvenue de la présidentielle, puis des législatives. Il semble vouloir incarner malgré tout la force d'opposition qu'il pouvait encore espérer être avant la présidentielle. Mais avec huit députés, il lui faudra faire illusion. Certes le FN a quatre fois plus de députés qu'en 2012. Mais entre temps, le parti souverainiste s'était hissé, notamment lors des régionales de 2015 comme premier parti en nombre de voix.
Au second tour de l'élection présidentielle, malgré un débat d'entre-deux-tours calamiteux, de l'aveu même de Marine Le Pen, celle-ci rassemble le 7 mai 2017 sur son nom près de 10,6 millions de voix. Mais le barrage anti-FN, tant aux régionales de 2015, qu'à la présidentielle, a joué à plein, empêchant le FN de traduire en élus ses scores électoraux. Aux législatives, ce plafond s'est doublé d'une démobilisation de l'électorat frontiste.
Mais le parti veut tenter de jouer dans la cour des grands. «Avec seulement deux députés entre 2012 et 2017, le FN avait très bien su se faire entendre. Imaginez à huit !», veut croire le secrétaire général du parti Nicolas Bay. Et d'ajouter sur le plateau de LCI : «Marine Le Pen et les sept autres députés défendront l'identité de la France à l'Assemblée nationale.»
Mais il faut 15 députés pour constituer un groupe parlementaire. En conférence de presse à Hénin-Beaumont où elle a été élue, Marine Le Pen a fait savoir qu'elle espérait y parvenir dans les prochains mois. «Un groupe où nous nous entendrions sur deux, trois lignes principales, tout en conservant chacun notre indépendance et sa spécificité», a-t-elle précisé.
Sur RTL, Louis Alliot, l'un des huit députés élus du FN s'est pour sa part dit confiant dans la capacité du parti à trouver dans l'hémicycle les sept députés nécessaires pour atteindre la taille nécessaire. «Nous sommes les seuls à pouvoir nous opposer à la politique de monsieur Macron», a martelé pour sa part David Rachline, sénateur-maire de Fréjus, au moment, ajoute-t-il, où «les Républicains ne savent plus du tout où ils vont, où la plupart annoncent déjà qu'ils vont participer à l'activité de la majorité présidentielle».
Aussi, malgré l'implacable arithmétique qui prive le FN de groupe parlementaire, David Rachline se veut confiant, évoquant de nouvelles initiatives destinées à rassembler plus de Français. «Nous n'allons rien éluder, effectivement, et débattre de notre fonctionnement pour être encore plus efficace», a-t-il promis.
Et, de fait, Gilbert Collard, seul député frontiste de la précédente législature, après la défection de Marion Maréchal-Le Pen, est déjà dans les starting blocks. Echaudé par une élection sur le fil (50,16%, 123 voix d'avance) face à la candidate de La République en marche (LREM) Marie Sara dans sa circonscription du Gard, mais aussi conforté par la défaite de Florian Philippot à Forbach, le bouillonnant secrétaire général du Rassemblement bleu marine fourbit ses armes. «Le Front national en a pris un sacré coup dans la tête», a-t-il lancé dès l'annonce des résultats le 18 juin, ajoutant : «Il va falloir maintenant réfléchir très sérieusement au fonctionnement du mouvement.»
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Aussi Florian Philippot, largement battu face au candidat LREM Christophe Arend (57%) s'efforce-t-il de ramener le calme au sein du FN, à la veille d'une réunion du bureau politique qui s'annonce houleuse. «L'hystérie, ça ne sert à rien du tout», a-t-il fait valoir sur BFMTV avant d'ajouter : «Il y a probablement des choses à changer mais il faut le faire dans la sérénité.»
Gilbert Collard entendra-t-il ce message d'apaisement ? Victime du «plafond de verre» et du mode de scrutin majoritaire, le FN pourrait être bien être confronté, pour le moins, à quelques remous en interne.