France

Débat en direct : Marine Le Pen et Emmanuel Macron s'affrontent à quatre jours du premier tour

Après tirage au sort, c'est Marine Le Pen qui ouvrira les hostilités pour le débat du deuxième tour de la présidentielle. Il s'agit de la dernière opportunité pour les candidats de présenter leur projet pour la France, avant le vote du 7 mai.

Jeudi 4 mai

Près de 16,5 millions de téléspectateurs ont regardé le débat de l'entre-deux-tours sur l'ensemble des chaînes qui le diffusaient le soir du 3 mai, un score inférieur à celui des derniers débats des élections de 2007 et 2012, selon les chiffres de Médiamétrie.

TF1 et France 2, qui organisaient le débat, ont rassemblé à elles seules 15,1 millions de téléspectateurs, loin devant les chaînes d'info qui le diffusaient aussi. Ce score est proche du débat Jospin-Chirac en 1995 et ses 16,8 millions de téléspectateurs.

Selon un sondage Elabe réalisé pour BFMTV, Emmanuel Macron a été jugé convaincant par 63% des télespectateurs contre seulement 34% pour Marine Le Pen.

3% n'ont été convaincus ni par l'un ni par l'autre.

«Marine Le Pen a utilisé sa conclusion toute entière pour dire des mensonges sur mon projet sans dire ce qu'elle prévoit pour la France», a avancé le candidat d'En Marche !. «Je ne veux pas ça pour notre pays. La France vaut mieux que ça. Je ne veux pas des profiteurs de l'échec et des exploitants de la colère», a-t-il précisé.

«La France, mon pays, est dans une crise profonde, liée à l'échec de politiques menées depuis vingt ans, qui est lié à une incapacité à créer l'unité», a-t-il analysé.

«Je refuse l'esprit de défaite et de haine que porte le FN. Je veux un esprit de conquête. Une France dans un monde ouvert, dans une Europe où nous pourrons nous protéger. Nous le ferons ensemble et fidèles à ce que nous sommes. Nous sommes un pays qui a été la lumière du monde, et non l'obscurantisme», a-t-il conclu.

«La France que vous défendez, c'est pas la France. C'est une salle de marché, c'est la guerre de tous contre tous», a lancé la candidate frontiste à son adversaire.

«Ce n'est absolument pas la vision qui est la mienne, je crois à la solidarité, je crois que la France est une nation, avec une culture, un peuple. Avec une espérance», a-t-elle poursuivi.

«La France a été jetée dans le chaos par vos amis politiques, par ceux qui vous soutiennent dans cette campagne. Il est largement temps de faire le choix de la France», a-t-elle déclaré.

En guise de conclusion, Marine Le Pen a déclaré qu'elle aimait la France telle qu’elle était, «avec sa culture, son patrimoine, ses frontières» et «avec son peuple qui mérite d’être mieux traité».

«Vous vous dites candidat de l’ouverture, vous êtes le candidat de la fermeture, fermeture des usines, des maternités, des commissariats», a t-elle lancé à Emmanuel Macron, avant de l'accuser d'être entre les mains de puissances qui ne travaillent pas pour le pays mais pour elles-mêmes.

«Vous êtes à plat ventre en permanence ! Devant les banques, devant l'Allemagne, devant l'UOIF, devant les puissances financières !», a attaqué Marine Le Pen.

«Le candidat à plat ventre !», a-t-elle martelé.

Elle s'en est également pris à sa déclaration de patrimoine que «personne n'a compris» et a espéré (avec ironie) qu'il ne disposait pas d'un compte offshore.

«Le parti des affaires c'est le vôtre. Le parti qui ne va pas devant le juge, c'est le vôtre. Vous êtes sous le coup d'une instruction judiciaire», a rétorqué Emmanuel Macron.

«Je veux une France crédible et forte en Europe. Ma priorité c’est la lutte contre le terrorisme islamiste et je veux continuer l’alliance avec les Etats-Unis dans ce domaine», a déclaré Emmanuel Macron. «Nous avons besoin de cette coopération forte sur notre sécurité». 

«Je ne serai pas soumis au diktat de Monsieur Poutine», a-t-il poursuivi, critiquant la «soumission» au Kremlin de son adversaire.

Le leader d'En Marche! a assuré être prêt à travailler avec le président russe, sur le dossier syrien.

Sur les questions internationales, Marine Le Pen estime que «la France sera respectée si elle est la France, si elle redevient ce qu'elle était».

«Elle doit retrouver son indépendance, ce que le général de Gaulle avait imposé à de nombreuses reprise», a-t-elle ajouté.

La candidate FN ne veut pas d'une France qui se soumette «à l'impérialisme des uns et des autres». «Nous devons être à équidistance des Etats-Unis et de la Russie», a-t-elle expliqué, ajoutant qu'il n'y avait «aucune raison d'entrer dans une guerre froide avec la Russie».

Dans un monde qui est en train de changer, vers le protectionnisme et la fin de l'ingérence, Marine Le Pen estime que son projet est celui qui est le plus en adéquation avec le monde de demain.

Mercredi 3 mai

Pour Emmanuel Macron, la question de la monnaie européenne est «fondamentale». «Une grande entreprise ne pourra pas payer en euro d’un côté et en franc de l’autre. C’est le grand n’importe quoi du projet de Mme Le Pen», a-t-il déclaré. «Je suis le candidat d'une France forte dans une Europe qui protège», a rappelé l'ex-ministre de l'économie.

«La grande peur, qui la manipule depuis le début ? C’est vous. La Grande-Bretagne n’a rien à voir avec nous, elle n’a jamais été dans l’euro. Pour moi, sortir de l’euro, c’est dangereux. Ma vision est de construire un euro fort et de construire une politique européenne forte. Le bidouillage que vous avez fait dans le week-end avec Monsieur Dupont-Aignan traduit votre vision crasse», a-t-il poursuivi.

«Beaucoup de pays s'en sortent très bien dans l'euro. Ce que vous proposez, c'est la guerre des monnaies», a-t-il martelé.

«Le projet de Mme Le Pen, le jour d'après, il faudra réinstaurer le contrôle des capitaux, ce que je ne veux pas réinstaurer, car ce serait la panique bancaire», a-t-il également dit.

Sur la question européenne, Marine Le Pen souhaite que la France retrouve sa souveraineté. Elle estime que l'Union européenne laisse place à une «alliance de nations souveraines».

«Les peuples conserveront la liberté de décider pour eux-mêmes, auront la maîtrise de leurs frontières, de leur monnaie», explique-t-elle. Les lois nationales seront supérieures aux directives européennes. «Il est essentiel de nous protéger face à la concurrence déloyale, face au dumping social et monétaire», ajoute-t-elle. Elle souhaite que la France récupère «la maîtrise de sa politique commerciale» et rappelle qu'Emmanuel Macron «est pour les accords de libre-échange, comme le CETA et le TAFTA».

«De tous les candidats, vous étiez le plus extrémiste dans la soumission au fédéralisme européen», a lancé Marine Le Pen.

Marine Le Pen a critiqué le candidat d'En Marche! pour avoir déclaré en Algérie que la colonisation était «un crime contre l’humanité». «Est-ce que vous ne croyez pas que vous avez une responsabilité considérable en disant cela sur la haine que certains jeunes portent sur notre pays ?», l'a-t-elle interrogé.

«Il y a eu des drames pendant cette guerre», a répondu Emmanuel Macron. «Je ne veux pas rester dans cette guerre des mémoires. Je ne suis ni dans la repentance ni dans le déni», a-t-il précisé.

Sur l'UOIF, le candidat d'En Marche! a déclaré que si cette association menait des activités contraires aux loi de la République, il la ferait interdire.

Quand la candidate du FN lui a rappelé les positions de l'association contre les homosexuels ou les juifs, il a répondu : «Je ne connais pas ces gens-là.»

«Vous acceptez pourtant leur soutien ? Sacré cynisme», lui a rétorqué Marine Le Pen. La candidate a estimé que son adversaire n'avait «pas de projet» tout en faisant preuve d'une «complaisance pour le fondamentalisme islamique», citant l'affaire Saou.

«Le terrorisme c'est la priorité. Je veux être chef des armés donc ce sera ma priorité», a pour sa part déclaré Emmanuel Macron

«Sur le fichier S, je suis pour renforcer les mesures, y compris les mesures privatives de liberté. Mais si vous croisez un djihadiste, vous pouvez être fiché S. Donc la clé c'est d'améliorer le renseignement. Je suis pour une mesure chirurgicale, plus efficace», a-t-il précisé, avant d'ajouter : «Il faut prévenir plutôt que guérir.»

«La fermeture des frontières ne sert à rien», a-t-il estimé. «On va mettre des douaniers qui vont lutter contre les terroristes ? Ils sont remarquables mais ne sont pas formés pour lutter contre le terrorisme», a-t-il ajouté.

«Ce que vous proposez c'est de la poudre de perlimpinpin, nous avons besoin d'une plus grande coopération entre les pays européens», a plaidé le candidat d'En Marche!.

Sur le terrorisme, la candidate FN est passée à l'offensive : «Pour tous les doubles-nationaux : déchéance de nationalité. Tous les fichés S qui sont en lien avec les fondamentalistes : dehors.»

«11 000 fichés pour fondamentalisme. C'est le bilan de votre gouvernement. C'est une honte», a-t-elle lancé à l'attention de son adversaire.

Elle a annoncé vouloir s'attaquer aux associations «qui vous soutiennent, comme l'UOIF», a-t-elle asséné à son adversaire. «C'est une organisation islamiste qui tient des discours de haine», a-t-elle précisé, affirmant que ces gens «tiennent des propos qui sont des appels au meurtre qui n'ont pas l'air de vous déranger».

Marine Le Pen a abordé le coût des médicaments et leur remboursement : «Il y a un bras de fer à faire avec les laboratoires. Il faut avoir de la volonté politique et arrêter de défendre les intérêts privés, contrairement à Monsieur Macron, dont une partie du programme a été rédigée par un lobbyiste de chez Servier.»

«Si le régime des retraites est en danger, c'est de votre faute», a estimé Marine Le Pen.

«Je ne supporte plus la culpabilisation des Français», a-t-elle ajouté. «Vous avez raison», lui a répondu Emmanuel Macron.

«Vous pensez que la fraude sociale va s'arrêter du jour au lendemain, à votre arrivée à l'Elysée ?», a demandé Emmanuel Macron à Marine Le Pen.


«Moi je prends les Français pour des adultes, je ne leur mens pas. Vous faites une liste à la Prévert que vous ne financez pas. Sur les 6 ou 9 milliards d'euros [d'économies générés par la sortie de l'UE], il faudra d'abord payer tout ce qu'on doit à l'Union européenne. C'est entre 60 et 80 milliards pour la Grande-Bretagne en ce moment.»


«- Vous faites des cadeaux, baisses d'impôt que vous ne financez pas.
- Je baisse des dépenses auxquelles vous ne voulez pas toucher.
- Soit augmenter la dette ou les impôts, et les enfants paieront.
- C'est dur d'assumer son bilan ?
- Marine Le Pen voudrait que je porte le fardeau des vingts dernières années. Les quatre dernières années suffiront, j'assume toutes les responsabilité de mon mandat de ministre».

«Je suis la candidate du pouvoir d'achat, vous êtes le candidat du pouvoir d'acheter», a assuré Marine Le Pen.

Dans votre société, «tout est à vendre et tout à acheter», a-t-elle lancé. «Les hommes, les bébés», a-t-elle ajouté.

«Vous ne voyez les rapports humains que par rapport à ce que ça rapporte», a-t-elle dénoncé.

«La France c'est une civilisation ouverte avec des principes généreux», a rétorqué Emmanuel Macron, qui a par ailleurs rappelé être contre la gestation pour autrui (GPA).

Sur sa visite à Whirlpool, Emmanuel Macron a assuré avoir été au contact des salariés, dénonçant l'attitude de son adversaire, «venue prendre des selfies».

«Ils vous ont hué Monsieur Macron», lui a rétorqué celle-ci.

«Je n'ai jamais profité de la détresse des salariés», a ajouté le candidat d'En Marche!. Ce à quoi Marine Le Pen a répondu : «Moi, jamais je ne suis allée me planquer dans une chambre de commerce.»

Marine Le Pen a rappelé le statut d'ancien ministre de l'Economie d'Emmanuel Macron. «Pourquoi vous n'avez pas fait profiter le président Hollande de vos recettes ? Si vous n'avez pas de recettes, pourquoi vous présentez-vous à l'élection présidentielle ? Vous avez fait ce que vous savez faire, vous avez aidé les grands groupes», a-t-elle attaqué.

Puis, elle s'en est pris à ses positions pro-européennes : «Vous êtes la France qui se soumet aux exigences de l'UE, à la concurrence européenne déloyale. Les agriculteurs ne vous ont pas vu les soutenir, les industriels non plus, sauf ceux que vous avez vendus à des propriétaires étrangers. Vous n'avez pas d'esprit national, vous ne pensez pas à l'intérêt supérieur de la nation. Vous défendez des intérêts privés, mais le problème est que derrière il y a de la casse. Il y a des entreprises qui délocalisent. Ce sont des entreprises que vous avez vendues». 

«Le problème de la France depuis 30 ans, c’est le taux de chômage», a affirmé Emmanuel Macron. «Il faut donner à nos PME la possibilité de créer des emplois». «Je veux de la simplicité», dit-il. «Je veux un droit à l’erreur, l’administration doit expliquer pour corriger, pas sanctionner», explique-t-il. Il a annoncé vouloir supprimer le RSI pour les artisans et commerçants.

Le candidat d'En Marche! a réclamé «du pragmatisme» et demandé aussi plus de flexibilité pour les entreprises mais également de la sécurité pour les salariés.

Emmanuel Macron a affirmé que son adversaire n'était pas «la candidate de l'esprit de finesse». «Je ne vais pas vous dire que vous êtes la véritable héritière d'un nom, de l’extrême droite française», a continué le candidat d'En Marche !

«La question qui se pose, c'est cet esprit de défaite que vous portez, comme quoi la mondialisation est trop dure, que l'euro est trop dur», a-t-il poursuivi.

«La France a toujours réussi parce que sa langue se parle partout, sa civilisation est partout. C'est la 5e puissance mondiale. Nous sommes forts dans le monde. Il y a néanmoins énormément de changements que je veux conduire. Et aujourd'hui, je souhaite porter cet esprit de conquête, cette France qui triomphe», s'est réjoui le candidat d'En Marche!.

La candidate du Front national (FN) a d'emblée attaqué son adversaire frontalement :  «Monsieur Macron est le candidat de la mondialisation sauvage, de la guerre de tous contre tous [...] tout cela piloté par Monsieur Hollande qui est à la manœuvre de la manière la plus claire qui soit».

Elle s'est posé par opposition en candidate «du peuple, de la France telle que nous l'aimons». «Les Français ont pu voir la vraie nature de Monsieur Macron, la bienveillance a laissé place à la médisance, le sourire a laissé la place à un rictus et la machine de communication du PS [Parti socialiste] a repris les choses en main», a-t-elle poursuivi, dénonçant chez son adversaire la froideur du banquier qu'il n'a «jamais cessé d'être».

La campagne présidentielle touche à sa fin et le débat entre les deux finalistes Emmanuel Macron et Marine Le Pen est l'occasion de placer les dernières banderilles contre leur adversaire, avec pour objectif de convaincre les 18% de votant qui se déclarent toujours indécis, selon un sondage Elabe pour BFM.

Grand favori des instituts de sondage, le candidat d'En Marche! a prévu de «mettre en avant le flou du programme [de Marine Le Pen], comme cette reculade totale sur la sortie de l'euro», avancent ses soutiens cités par France Info. De son côté, la candidate du Front national (FN) préparerait «quelques coups», selon un responsable du parti.