France

Le Béarn sort de la monnaie unique

Ce territoire des Pyrénées-Atlantique s'apprête à mettre en circulation sa propre monnaie : la «tinda» (prononcez «tinde»). S'ils conservent l'euro, les Béarnais disposent désormais d'une seconde devise.

C'est une petite révolution. A l'heure où de plus en plus de citoyens européens se montrent méfiants vis-à-vis de l'euro, le Béarn créé une monnaie qui se veut l'opposé de la devise fédératrice européenne. La tinda, qui sera mise en circulation à dater des 27 et 28 juin 2015, a en effet été inventée pour répondre à des besoins en terme de solidarité et d'environnement, et pour faciliter les circuits courts en terme de dépenses.

L'idée de cette Monnaie Locale Complémentaire (MLC), c'est de favoriser les échanges directs et éthiques. La tinda (du verbe «tindar», «tinter» en Français), répond à des objectifs clairs. Il s'agit d'orienter l'économie vers des circuits courts, qualitatifs et adaptés aux besoins locaux. La dépense doit se tourner vers des projets ou des entreprises respectueux de l’environnement et porteurs de solidarité.

Pour mettre en application ces objectifs, la tinda s'est armée de la charte de la MLC Béarn. Un texte qui stipule que le fonds de garantie (disposition nécessaire à l'existence d'une monnaie et qui assure la confiance dans le système financier) ne peut servir à des opérations de spéculation. Il doit servir à financer des projets respectueux de la charte. Les commerces acceptant la monnaie sont des prestataires locaux qui ont signé la charte et qui en respectent les termes. L'étendue réduite des possibilités de dépenses doit permettre d'augmenter le lien social.

Une initiative associative

C'est d'une association qu'est née l'idée de création de la tinda. L'association De Main en Main est un collectif dont la moyenne d'âge ne dépasse pas les 35 ans mais dont les idées ont pris une forme concrète. A l'image de son projet de MLC, l'association répond à des principes éthiques qu'elle a insufflés dans la tinda. Le collectif a créé un emploi dans le cadre du projet et assure la formation d'une étudiante. Il a mis en place un système d'adhésion de soutien : cinq euros sont demandés pour fournir des tindas à un particulier. Pour les responsables du projet, utiliser la tinda est un acte militant : «chaque tinda est comme un bulletin de vote pour la transition énergétique», affirme-t-on dans les rangs du collectif.

Se voulant locale, à l'instar de la monnaie qui en résulte, l'initiative a mis en mouvement différents dynamismes sur le territoire du Béarn. Le nom a été désigné par un vote de Béarnais lors d'un événement local et environnemental (la Fête du Bois, organisée par la ville de Lucq-de-Béarn). Les illustrations ont également été imaginées par des locaux après un appel lancé par l'association aux esprits créatifs du territoire. Les habitants sont ainsi informés et impliqués dans le projet depuis sa genèse. Si une quarantaine de commerces locaux a déjà déclaré accepter la devise, le collectif invite tous les prestataires intéressés à se faire connaître et souhaite rédiger un annuaire, édité de pair avec la mise en circulation de la MLC.

La tinda est adossée à l'euro. En pratique, cela signifie que 1 tinda = 1 euro. Six coupures de billets seront imprimées : de 1, 2, 5, 10, 20 et 50 tindas. La monnaie n'est pas la première MLC créée localement avant d'être reconnue par l'état. L'eusko du Pays Basque, ou encore l'abeille de Villeneuve-sur-lot ont fait leurs preuves dans leurs régions respectives, contribuant notamment à la dynamisation des échanges locaux.