France

Quoi ma gueule? Pour la première fois, l'Etat français est condamné en raison de contrôles au faciès

La Cour d'Appel de Paris vient de condamner l'Etat français dans une affaire de contrôles d'identité par la police que les treize plaignants estimaient discriminatoires. Tous sans casier judiciaire, leur seul point commun est leur origine africaine.

Faute lourde. La Cour d'appel de Paris a lâché le mot. L'Etat français est condamné dans cinq cas des treize contrôles portés à sa connaissance. Il s'agit d'une première en France. 

L'Etat s'est vu ordonner par la cour d'appel de Paris de verser 1.500 euros de dommages et intérêts dans chacun des cinq cas. Mais l'arrêt est également «lourd» par sa portée symbolique puisque c'est la première fois qu'est reconnu en France l'aspect «discriminatoire» et «injustifié» de certains contrôle d'identité effectués par la police française.

Contactée par RT France, Sihame Assbague, la porte-parole du Collectif «Stop le contrôle au faciès» estime qu'il s'agit là d'une décision judiciaire qui marque une rupture dans la lutte contre les discriminations. «Il s'agit évidemment d'une décision fondamentale. Sur ces cinq cas, la justice a reconnu qu'il y avait une défaillance de l'Etat. Cet arrêt pourra servir de base à d'autres actions à l'avenir».

Les 13 plaignants avaient tous fait état de contrôles abusifs accompagnés de palpations, marques de mépris et tutoiement. Ils réclamaient à l'Etat 10.000 euros de dommages et intérêts chacun. En première instance, en octobre 2013, le tribunal avait pourtant débouté les plaignants, estimant qu'ils n'avaient pas prouvé la discrimination. 

Devant la Cour d'Appel, le Défenseur des droits, l'autorité indépendante chargée de défendre les citoyens face à l'administration, avait soutenu leur démarche. Inversant la charge de la preuve, l'autorité avait fait valoir que c'était à l’État qu’il revenait de démontrer la non-discrimination et pas aux citoyens de prouver l’inverse. Le défenseur des droits avait également plaidé pour que les contrôles d’identité offrent des «garanties» contre les abus.

Selon Sihame Assbague ce renversement de la charge de la preuve «met l'Etat enfin en face de ses responsabilités. Il ne s'agit plus de se défausser sur le citoyen contrôlé».

La lutte contre les contrôles au faciès était pourtant l’engagement n° 30 de François Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012. Il avait alors déclaré: «Je lutterai contre le délit de faciès dans les contrôles d'identité par une procédure respectueuse des citoyens».

Concrètement, il s'agissait de créer l'obligation pour tout policier de remettre un récépissé, portant mention du matricule de l'agent de police, après un contrôle d’identité. Mais cela avait finalement été très vite abandonné par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, lequel jugeait la mesure «inapplicable».

Pour le collectif «Stop le contrôle au faciès», «Le gouvernement doit enfin tenir ses engagements. Tout citoyen doit pouvoir obtenir une traçabilité de son contrôle. C'est là un simple question d'égalité que l'Etat ne peut plus ignorer. C'est ce que la Cour d'Appel lui a rappelé».

En France, les policiers peuvent effectuer des contrôles d’identité afin de prévenir toute «atteinte à l’ordre public». Une notion floue qui permet un contrôle sans nécessairement qu'il y ait un comportement suspect au préalable. 

Si l'interdiction légale de toute statistiques ethniques empêchent de connaître l'ampleur exacte de ces contrôles discriminatoires, une étude menée en 2009 à Paris par le CNRS et l'ONG Open Society Justice Initiative avait conclut que les personnes perçues comme «noires» et «arabes» sont contrôlées respectivement six et huit fois plus que celles perçues comme «blanches».