Insérée dans un paquet de mesure baptisé en anglais «small business act», la clause «Molière» imposera l'usage du français sur les chantiers de la région Ile-de-France. Une façon de favoriser l'accès des très petites entreprises (TPE) et PME locale et de leur donner un avantage compétitif sur celles qui ont recours à des travailleurs venant de pays où les salaires sont plus bas.
Valérie Pécresse, présidente Les Républicains de la région Ile-de-France, n'assumant pas complètement la visée protectionniste de la mesure et préférant la justifier comme «une condition sine qua non pour la sécurité des travailleurs sur les chantiers», se retrouve ainsi sous les feux croisés des critiques. Pour les politiques, candidats ou pas à la Présidentielle, l'occasion était sans doute trop belle.
Le Premier ministre Bernard Cazeneuve s'est ainsi engouffré dans la brèche saisissant l'occasion d'une référence culturelle. «Derrière la clause, c'est la clause Tartuffe dont il faut se méfier», a-t-il lancé, afin de souligner l'hypocrisie de la mesure, avant de dénoncer une «mesure ouvertement discriminatoire».
Pour Marine Le Pen, en revanche, la clause n'est qu'une demi-mesure, un symptôme de l'impuissance des politiques devant les directives européennes. «C'est du patriotisme honteux. Comme on n'ose pas dire clairement les choses et demander la suppression de la directive détachement des travailleurs […] on prend des chemins contournés», a ainsi déclaré la candidate frontiste. Et d'asséner : «Il faut supprimer la directive détachement des travailleurs. Ces Républicains ont toujours un comportement honteux à l'égard du patriotisme économique».
En profitant pour rappeler son opposition à la directive européenne, Jean-Luc Mélenchon a condamné lui-aussi «l'hypocrisie» de la clause «Molière». Le candidat de la France insoumise en a profité pour répéter ses propos devant le Parlement européen en juillet 2016, par lesquels il accusait les travailleurs détachés de «voler le pain des Français».
Les Républicains divisés
Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, l'une des cinq régions à avoir adopté une clause «Molière», a dénoncé «une culture du parapluie en France selon laquelle les élus se réfugient derrière tel ou tel texte de loi pour surtout ne rien faire». «Il faut assumer nos responsabilités», a-t-il martelé Le 13 mars 2017, Laurent Wauquiez a ainsi annoncé la création d'une brigade de contrôle chargée de veiller au respect de la clause.
Dans une lettre adressée au Premier ministre Bernard Cazeneuve et diffusée à la presse, le président de l'Auvergne-Rhône-Alpes a parallèlement mis en cause un «double discours» de l’État.
«Je vous sais sensible à la concurrence déloyale que constitue l'emploi de travailleurs détachés en France» mais «dans le même temps les services de l’État s'emploient à faire obstacle aux initiatives permettant de lutter contre cette distorsion de concurrence», écrit l'élu dans ce courrier.
Pour autant, l'adoption de la clause par la région Ile-de-France a divisé le parti de François Fillon. Le président du sénat, Gérard Larcher a ainsi fait savoir ce 15 mars 2017 qu'il était «contre», jugeant la mesure impossible à appliquer dans les départements frontaliers tels que Pyrénées-Orientales, en Alsace ou dans les Flandres, où se parlent aussi le catalan ou l'alsacien, ou le flamand.
Gérard Larcher s'est inquiété en outre d'un effet boomerang d'une telle mesure : «D'autres pays pourraient demander la réciprocité. Que diraient les Lorrains qui travaillent au Luxembourg si ce pays leur demandait de parler luxembourgeois», s'est-il interrogé.