C’est un jugement qui risque de faire polémique. La 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris a estimé le 7 mars que l’historien Georges Bensoussan n’était pas coupable «d'avoir suscité ou voulu susciter un sentiment d'hostilité ou de rejet à l'encontre d'un groupe de personnes et, encore moins, d'avoir explicitement appelé à la commission de faits précis à l'encontre de ce groupe».
Celui qui est également responsable éditorial au Mémorial de la Shoah avait suscité la controverse quand, lors de l'émission Répliques sur France Culture à propos de la «fracture française», il avait lancé : «C'est une honte que de maintenir ce tabou, à savoir que dans les familles arabes en France et tout le monde le sait mais personne ne veut le dire, l'antisémitisme on le tète avec le lait de la mère.» A noter qu’au cours du programme présenté par l’académicien Alain Finkielkraut, Georges Bensoussan avait attribué ces propos à un sociologue algérien.
Le tribunal a jugé qu'il ne «saurait lui être reproché de stigmatiser l'ensemble de la communauté musulmane». Pour les magistrats, seule «une partie de cette communauté, salafistes ou personnes sous leur emprise» était visée et non l’ensemble des familles arabes de France.
La «catachrèse»
«L'antisémitisme on le tète avec le lait de sa mère» est l'affirmation de l'historien qui est à l’origine de l’affaire. Sur ce point précis, les juges ont considéré qu’il ne s’agissait pas de l’expression d'un «racisme biologique» mais d’une figure de style : la «catachrèse».
Pour ceux dont les cours de français semblent lointains, la catachrèse désigne le détournement d'un mot de son sens propre, par exemple dans les expressions «les pieds d'une chaise» ou «les ailes d'un moulin.»
Le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui avait interpellé le parquet en mars 2016, n’est, sans surprise, pas satisfait du verdict. «A l'heure où il est si important de resserrer les liens de la communauté nationale et de dénoncer les discours de haine, qui alimentent le rejet de l'autre et la stigmatisation, ce procès était l'occasion de tracer une ligne rouge et de rappeler les limites de tels discours», a-t-il réagi dans un communiqué. Il a notamment fait part de sa volonté de faire appel.
Lors de l’audience du 25 janvier, Georges Bensoussan s’était trouvé des soutiens de poids. L’historien Pierre Nora ou l'écrivain Boualem Sansal étaient présents à ses côtés. Il avait alors dit son «immense tristesse» devant les accusations portées contre lui.
Plusieurs associations déboutées et un avertissement du CSA
Lila Charef, qui représente le CCIF, avait reproché à l’intellectuel de prononcer une «condamnation totale et absolue» des musulmans.
Et le parquet avait semblé pencher dans cette direction en requérant la condamnation de Georges Bensoussan. Par «la généralisation de ses propos», il aurait «excédé les limites de la liberté d'expression».
Nombres d’associations s’étaient jointes à la bataille judiciaire. La Ligue des droits de l’Homme (LDH) et SOS Racisme s’étaient constituées parties civiles. Du fait de la relaxe de l’historien, elles ont été déboutées.
Pour ce qui est du CCIF, le tribunal a estimé qu'il ne remplissait pas la condition des cinq ans d'ancienneté requise pour se constituer partie civile.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) s’était également mêlé à la controverse en décembre 2015. Il avait adressé une «mise en garde» à France Culture. Le régulateur du paysage audiovisuel français (PAF) avait estimé que «certains propos tenus par Georges Bensoussan étaient susceptibles d'encourager des comportements discriminatoires». Le CSA avait aussi reproché à Alain Finkielkraut, de n'avoir «à aucun moment contribué à la maîtrise de l'antenne».