France

Les enfants nés à l'étranger par GPA vont-ils être reconnus en France ?

Le procureur général a recommandé à la Cour de cassation d'autoriser l'inscription à l’État civil des enfants nés de mères porteuses, hors de France, sous la condition d'un test de filiation. La décision a été mise en délibéré au 3 juillet.

C'est la première fois que la Cour de cassation s'estime compétente pour juger d'une telle affaire. La Gestation Pour Autrui, ou GPA, est illégale en France. Mais la pratique est autorisée dans plusieurs pays en Europe et ailleurs, et de nombreux enfants ont déjà été conçus par GPA à l'étranger. Or, ces enfants sont quasiment hors-la-loi dans l'hexagone : lorsqu'un enfant né d'une mère porteuse dispose d'une filiation en France, il existe un vide juridique, que la Cour de cassation va tenter de combler.

C'est par l'examen de deux cas particuliers que l'instance juridique va trancher. Deux familles, qui comparaissent devant la plus haute juridiction, ce vendredi. Des cas similaires en apparence, avec des enfants nés via l'aide d'une mère porteuse, en Russie (ou la pratique est légale). Pour le premier, l'inscription à l’État civil avait été refusée par la cour d'appel de Rennes le 15 avril 2014. La même juridiction avait en revanche accepté la demande de la deuxième famille, le 16 décembre de la même année.

La décision de la Cour de cassation marquera vraisemblablement un temps fort dans le débat autour de la reconnaissance des enfants issus de la GPA : si l'instance se donne les pouvoirs relatifs à la question, son jugement a de fortes chances de faire jurisprudence. Alors mise en délibéré, la décision de la Cour pourrait faire pencher la balance dans les nombreux cas similaires, où la justice doit se prononcer sur l'inscription à l’État civil d'enfants nés d'une mère porteuses à l'étranger.

Le procureur général de la Cour a déjà fait connaître son avis. Il recommande une inscription de ces enfants aux registres, sous condition qu'un test ADN certifie leur filiation.

Des querelles de chapelles

Avec de telles conséquences à la clé, le jugement imminent de le Cour de cassation a mis en mouvement les forces en présence, qu'elles soient pour ou contre la reconnaissance des enfants issus de la GPA.

Parmi les contres, la Manif Pour Tous, qui s'est faite connaître lors des débats parlementaires sur le mariage pour tous. Certains représentants du mouvement manifestaient, jeudi 18 juin, devant le palais de justice de Paris pour protester contre l'inscription des enfants concernés à l’état civil. Pour la Manif Pour Tous, la GPA représente «une pratique indigne, synonyme d'asservissement de la femme et marchandisation de l'enfant». Ces membres estiment par ailleurs «[qu'] interdire la GPA en France n'est pas suffisant : il faut interdire la GPA pour les Français qui y ont recours à l'étranger». La présidente du mouvement, Ludovine de La Rochère a affirmé lors du rassemblement que «retranscrire ces actes à l'état civil, c'est reconnaître la GPA». Des personnalités politiques avaient rejoint le cortège, notamment le maire (UDI) de Neuilly Jean-Christophe Fromantin et le député (Les Républicains) Hervé Mariton.

Proche de la Manif Pour Tous, l'Association des Juristes pour l'Enfance s'est également opposée à l'inscription des enfants aux registres. Pour l'association, l'absence d'inscription à l'état civil «ne prive les enfants d'aucun droit » et ne leur porte « aucun préjudice».

Parmi les pour, les familles qui comparaissent devant la Cour de cassation. Dominique Boren, dont la demande d'inscription pour son enfant à été rejetée en première instance, dément les propos de l'Association des Juristes pour l'Enfance : «à chaque fois, nous devons raconter l'histoire de notre enfant. Il a fallu trois mois pour l'inscrire à la sécurité sociale, par exemple». 

Dans sa démarche, le père de famille est soutenu par le Défenseurs des Droits, Jacques Toubon. Celui-ci s'est d'ailleurs soulevé contre la décision du procureur d'exiger la certification de la filiation par un test ADN. Pour l'ancien ministre de la Culture, une telle condition établit une «discrimination en fondant l'inscription sur le lien du sang». Autre soutien politique : la ministre de la justice Christiane Taubira, qui a affirmé, vendredi 19 juin, que les enfants «avaient le droit à leur inscription à l'état civil». 

Le Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), enfin, a tranché à plusieurs reprises en faveur du droit des enfants à l'inscription. La CEDH a rendu des arrêts, estimant que la France ne pouvait refuser d'inscrire à l'état civil les enfants nés par GPA à l'étranger.

Deux ans de délibérations

Les débats autour du droit à la Gestation Pour Autrui et de la reconnaissance des enfants conçus via cette pratique ont commencé à s'enflammer en 2012, avec l'ouverture de la question du mariage pour tous à l'Assemblée Nationale. Si le mariage a été légalisé en 2013, la GPA fait encore aujourd'hui l'objet de délibération. La loi Taubira, à l'origine de l'ouverture du mariage aux couples homosexuels, si elle ne légalisait pas la GPA, en ouvrait la voie, selon maints belligérants des délibérations.

La gestation pour autrui consiste, qui à faire appel à une mère porteuse pour les couples ne pouvant avoir d'enfants (couples stériles, homosexuels, etc.) est illégale en France. Mais la pratique est autorisée dans un certain nombre de pays de l'Union Européenne et d'ailleurs (aux Royaume-Uni, en Hollande, mais aussi en Russie et aux Etats-Unis). La tentation est donc grande, pour les couples souhaitant avoir recours à une mère porteuse, d'entamer cette procédure à l'étranger.