Cette réunion doit informer les salariés après l’annonce par l'Elysée le 3 juin de la reprise par EDF de Areva NP, la division nucléaire de l'entreprise. Le groupe fait face à des pertes abyssales, environ 5 milliards d’euros pour un chiffre d’affaires de 8,3 milliards d’euros.
«Les jeux sont faits» pour le système intégré
Pourtant, la réunion ne viendra qu'entériner une décision gouvernementale déjà actée le 3 juin dernier et qui sonne le glas du modèle intégré pour le champion nucléaire. Ce modèle couvrait la construction des centrales nucléaires mais aussi toutes les étapes du cycle du combustible. Un système «Nespresso», en somme, selon le mot de l'ancienne dirigeante d'Areva Anne Lauvergeon, avec fourniture «de la cafetière et du café». Désormais, à Areva la fourniture d’uranium et l’enrichissement du combustible (le café) et à EDF la construction de réacteurs (la cafetière).
Or les syndicats d'Areva demeurent opposés à cette vente à EDF, à l'instar du syndicat Areva-CFDT qui doit prendre part à la réunion de ce 19 juin: «Nous demeurons contre mais nous savons bien que les jeux sont faits. Sachant qu'EDF est aussi client d'Areva, il y a évidemment là un véritable manque à gagner pour Areva» explique à RT France Gilles Jeanne, coordinateur du syndicat.
L'Etat s'est également engagé à recapitaliser Areva, qui a besoin d’environ 7 milliards d’euros. Mais le syndicat CFDT s'étonne: «EDF met deux milliards pour le rachat de la filière nucléaire. Qui déboursera les cinq milliards restant? L'Etat? Les caisses sont vides. On parle de faire entrer une entreprise chinoise dans la capital mais nous craignons que cette entreprise se contente de prendre le savoir-faire d'Areva sans vraiment s'investir à long terme».
Un géant nucléaire aux pieds d'argile
Le comité de ce 19 juin risque d'être passablement animé puisqu'il intervient quelques jours après l'annonce de la suppression par Areva de 5 000 à 6 000 postes au niveau mondial d’ici à fin 2017, dont 3 000 à 4 000 en France. Sur un total de 44 000 salariés, dont 28 500 dans l’Hexagone, la purge est rude pour l'entreprise qui souhaite économiser un milliard d’euros sur trois ans.
Pourtant les syndicats avaient reçu l'assurance du contraire: «Nous sommes étonnés de cette annonce et allons en faire part lors de cette réunion du comité. Emmanuel Macron avait pris l'engagement devant plusieurs syndicats, dont le nôtre, qu'Areva ne procéderait pas à des licenciements secs, mais favoriserait les départs volontaires. On nous écoute mais on ne nous entend pas» déplore Gilles Jeanne.
Mais les syndicats comptent bien rappeler à l'Etat ses responsabilités lors de cette réunion, puisqu'il est actionnaire d’Areva à 87 % et d’EDF à 85 %: «L'Etat dit qu'il va renflouer les caisses d'Areva plus tard mais pourquoi ne pas le faire maintenant? Areva a versé pendant de longues années des dividendes. Maintenant que l'entreprise a besoin d'aide, la puissance publique est aux abonnés absents».
Les syndicats s'inquiètent également des conséquences des errements et erreurs stratégiques qui jalonnent l'histoire du groupe: «L'Etat a voté des stratégies qui se sont révélées catastrophiques. Et qui va payer? Les salariés évidemment mais aussi les contribuables. EDF, dans la foulée de l'achat, a déjà annoncé l'augmentation de 2,5% du tarif de l'électricité»
Dans le viseur des syndicats, les deux erreurs stratégiques décidées par «Atomic» Anne Lauvergeon et qui avaient sérieusement plombé les finances et la réputation de l'entreprise. D'abord, la construction du super réacteur de troisième génération, l'EPR, à Olkiluoto en Finlande. Un projet pharaonique, avec une perte sèche estimée à 3,9 milliards d’euros. Autre râté d'envergure, l'affaire dite d'«Uranim», du nom de cette entreprise canadienne rachetée par Areva parce qu'elle détenait des droits sur gisements d'uranium dans trois pays africains. Ces gisements se sont avérés largement surévalués et Areva a englouti dans cette affaire trois milliards d'euros pour rien.
Quoi qu'il en soit, la rentrée promet d'être agitée puisque les syndicats prévoient un mouvement national à Paris, «pour enfin être écouté et entendu».