France

«Le vagin de la reine» vandalisé à Versailles

L’oeuvre monumentale de l’artiste britannique Anish Kapoor a été la cible de jets de peinture. Depuis son installation, elle est l'objet de vives critiques.

Déjà nettoyée mais tout de même vandalisée. «Dirty Corner», la gigantesque trompe d’acier installée dans le parc du château de Versailles a été visée par des jets de peinture jaune. C’est la direction du domaine qui l’a annoncé mercredi matin. Qualifiées de «superficielles», les traces de la dégradation ont déjà été effacées.

L’oeuvre de l’artiste britannique d’origine indienne Anish Kapoor est souvent qualifiée dans la presse de «vagin de la reine». Bien que l’auteur lui-même affirme n’avoir jamais employé telle expression. Ce tunnel d’acier rouillé de 60 mètres de long s’ouvre en direction du château par une trompe que Kapoor qualifie de «très sexuelle».

Entourée d’énormes blocs de pierre pensant jusqu’à 25 tonnes, l’oeuvre est la pierre angulaire d’une bataille entre défenseurs de l’art contemporain et traditionalistes. Il faut dire que si le «Dirty corner» cristallise les passions, Kapoor, a positionné plusieurs oeuvres dans les jardins versaillais parmi lesquelles un bassin circulaire dont l'eau tournante s'ouvre en son centre vers les profondeurs.

Obscène ou résolument moderne ?

Si aucune revendication n’a pour l’instant été communiquée, l’acte était prévisible. Depuis l'inauguration de l’exposition de Kapoor le 9 juin, certains observateurs jugent obscène qu’une telle sculpture prenne place dans un haut lieu de l’histoire de France. Le site Fdesouche, avait publié un article intitulé : «Art contemporain : un vagin géant au château de Versailles (ainsi qu’une sculpture éjaculatrice)», avant même l'inauguration de l’exposition.

De grands médias se sont également fait l’écho de cette contestation. Un article de l’écrivain Christian Combaz, paru sur le Figaro Vox, qualifie la sculpture d’«installation absurde», encourageant «la spéculation financière». Si les critiques pleuvent, l’artiste a également ses défenseurs. Notamment la presse de gauche qui est allée au secours de Kapoor. Les Inrocks se sont notamment interrogés sur la raison pour laquelle «la fachosphère» s’en prenait à «un vagin géant».

Libération est allé demandé l’avis de la philosophe Fabienne Brugère. Pour cette dernière, la polémique autour du «vagin de la reine» est «une résurgence du pouvoir royal et de son histoire». Elle juge qu’il fait «périodiquement l’objet de retours d’attachement nostalgique». Analyse partagée à l’étranger par The Independant qui identifie les principaux détracteurs de l’oeuvre comme «des royalistes et des conservateurs».

D’ailleurs hors de nos frontières, la polémique intéresse tout particulièrement. Un journaliste du Guardian se demande ainsi ce qui a bien pu arriver à la nation qui a donné L'Origine du monde, de Gustave Courbet. The Mirror s’est également penché sur la question. Il prend l’exemple d’une touriste américaine découvrant l’oeuvre sous les caméras de la BBC : «Quand vous pensez venir à Versailles, vous vous imaginez du classique à la française, peut-être une imposante statue d'un quelconque dieu romain, mais ça, c'est juste sale et grossier». Elle partage l’avis du maire de Béziers et ex-directeur de Reporters Sans Frontières, Robert Ménard. Il avait étrillé la création de Kapoor dans un tweet : «Vagin Géant de Kapoor à Versailles : l'art contemporain continue de défigurer notre patrimoine».

D’autres vont carrément sur le terrain juridique. Adeline le Gouvello de la Porte, avocate, s’est intéressée à la question du droit moral de Le Nôtre, créateur des jardins du célèbre château. «L'auteur d'une œuvre contemporaine a-t-il le droit d'utiliser un lieu quel qu'il soit pour y placer sa création en bonne place ?», s’interroge-t-elle dans un article du Figaro Vox.

Il est fascinant de constater à quel point une oeuvre de l’art contemporain peut intéresser les observateurs et les médias. Mais ce n’est rien comparé à la guerre qui se joue sur les réseaux sociaux entre pro et anti.

Pas la première fois

«Après le godemiché place Vendôme, le vagin de la reine dans les jardins de Versailles». Voici le titre de l’article d’Egalité et réconciliation, site du sulfureux écrivain Alain Soral, en réaction à l’installation du «Dirty corner» dans les jardins du roi soleil.

Pour rappel, une polémique semblable avait éclaté en octobre dernier lorsque l’artiste Paul McCarthy avait installé une sculpture gonflable sur la place Vendôme. Désigné par ses opposants comme un plug anal géant, l’oeuvre avait été vandalisée et son auteur giflé. Le président François Hollande lui-même s’était montré solidaire de l’artiste : «Je suis aux côtés de Paul McCarthy, souillé dans son oeuvre».

Deux événements semblable en l'espace de quelques mois. Paris ambitionne d'être une capitale culturelle mondiale. Pourtant, elle va devoir réconcilier amateurs d'art contemporain et amoureux de l'histoire.