France

Indemnisation des victimes de la Shoah : Paris presse les députés de satisfaire Washington

Le projet de loi autorisant l'accord sur l'indemnisation des victimes de la Shoah sera examiné aujourd'hui en commission. Pressée par les Américains, la France cherche à mettre la SNCF à l'abri de la justice américaine.

Il y a six mois à peine, Paris annonçait en grandes pompes la création d'un fonds d'indemnisation de 60 millions de dollars à destination des victimes américaines de la Shoah. Cet arrangement qui visait, entre autres, à éteindre toutes les procédures judiciaires lancées aux Etats-Unis à l'encontre de la SCNF - jugée responsable de la déportation de juifs vers les camps de concentration - avait outré certains députés français, qui ne souhaitaient pas que le gouvernement actuel puisse être associé aux crimes commis par le régime de Vichy.

Pierre Lellouche, député Les républicains, avait ainsi déclaré: «la République française peut reconnaître les crimes de Vichy, mais ne peut pas être considérée comme débitrice, coresponsable de ces crimes».

Face à la bronca parlementaire, la décision de reporter le vote - initialement prévu le 16 juin - avait été prise afin d'obtenir des «éclaircissements» sur cette question.

Le 9 juin, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, qui avait insisté sur la «nécessité» d'approuver et d'appliquer «rapidement» cet accord au bénéfice de «gens qui ont beaucoup souffert», avait assuré aux députés que la formule litigieuse serait supprimée.

Quelques missives échangés entre Paris et Washington ont donc permis de trouver un terrain d'entente sémantique. La référence au gouvernement de Vichy est remplacée par la formule suviante : «l'autorité de fait se disant "gouvernement de l'Etat français"». Le texte sera donc examiné mercredi 17 juin en Commission des Affaires étrangères avant d'être voté en séance le 24 juin prochain.

L'amicale pression américaine

Mais au-delà de ces problèmes de terminologie, plusieurs députés s'étonnent d'une part, de voir la France accepter de mettre au pot en dollars, mais surtout d'en laisser la gestion aux autorités américaines.

En fait, depuis plusieurs semaines, la France est pressée par les Etats-Unis d'aboutir sur ce dossier. Une collaboratrice d'un groupe politique à l'Assemblée nationale déclarait ainsi au quotidien La Tribune être «interrogée au téléphone deux à trois fois par semaine» par l'ambassade des Etats-Unis à Paris quant à l'avancement du projet de loi.

Et si Paris veut aller vite, c'est certes pour éteindre toutes les poursuites judiciaires lancées aux Etats-Unis à l'encontre de la SNCF mais c'est aussi pour ouvrir au fleuron français du rail de nouveaux marchés outre-Atlantique.

Des marchés qui lui étaient jusqu'ici fermés. Ainsi il y a un an Keolis America, la filiale américaine de la SNCF, qui était en lice dans pour un appel d'offre à 6 milliards de dollars en vue de la création d'une ligne ferroviaire dans le Maryland, a été bloquée par deux sénateurs de l'Etat. Ces derniers entendaient empêcher la SNCF d'avoir accès aux marchés publics américains tant que celle-ci n'assumerait pas «sa responsabilité pour son rôle dans l'Holocauste». Le fonds à 60 millions d'euros que Paris s'apprête à lever devrait donc apaiser les esprits dans le pays de l'Oncle Sam. «It's all about money», comme disent les Américains.