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Air France au bord du crash

La compagnie, filiale de Air France-KLM, a annoncé des mesures drastiques de réductions des coûts, des effectifs, ainsi que de son réseau. Un accord avec les pilotes semble indispensable pour sortir de cette situation.

C'est peut-être la crise la plus grave traversée par Air France. Dans un communiqué, la compagnie aérienne a fait part des réformes (inédites) mises en place pour échapper à la faillite et tenir ses objectifs de réduction des coûts en 2015.

Pour commencer, Air France a annoncé fermeture de quatre lignes déficitaires (Vérone, Kuala-Lumpur, Stanvanger et Vigo) à l'hiver 2015, ainsi que la réduction de fréquences de ses vols vers la Russie, le Japon et le Brésil, au départ de Paris. Ensuite, la compagnie se sépare de certains de ses appareils, notamment un Airbus A340 (le troisième de ce modèle à quitter la flotte d'Air France) et reporte la livraison de deux autres : un Boeing 747 et un Airbus A350. Enfin, la filiale d'Air France-KLM a pris des initiatives de réductions des dépenses externes et des achats généraux "pour un impact estimé en année pleine de 80 millions d'euros," selon le communiqué.

Tous les indicateurs dans le rouge.

Si Air France choisit de mettre en place des mesures si draconiennes, c'est parce que les voyants de la compagnie sont tous au rouge. Une situation qui s'explique par de nombreux facteurs, conjoncturels comme structurels.

La compagnie fait face à une concurrence de plus en plus archarnée. Les low-cost arrachent des parts de marché chaque année plus importantes dans le cadre des vols courts. Les compagnies de Golfe (Emirates, Quatar) s'imposent sur le marché des longs courriers, avec des prix très difficiles à égaler. 

Montré du doigt depuis plusieurs années, le sureffectif alourdit fortement la compagnie. En 2013, le groupe comptait un effectif total de 65 000 salariés. Deux plans de départs volontaires (PDV) ont été mis en place mais leurs résultats se sont avérés insuffisants. Le premier, Transform 2015, avait pourtant permis la suppression de 8 000 emplois sur l'année 2012 seule. Le second, Perform 2020, annoncé au mois de janvier dernier, préconise le départ de 800 employés, mais ne vise pas les pilotes. Seuls le personnel au sol et les membres d'équipage hors-cockpit sont concernés. Par ailleurs, 1 000 départs à la retraite, chaque année, ne font plus l'objet d'un remplacement.

La dette de la compagnie s'élève aujourd'hui à cinq milliards d'euros. La grève des pilotes, en septembre 2014, avait alourdi les créances d'Air france de 400 millions d'euros.

Les pilotes, précisement, sont une épine dans le pied du groupe. Comme l'ensemble des employés d'Air France, ils participent à une opération de gains de productivité. Dans le cadre de ce plan, chaque corps de métier de la compagnie se doit de réaliser 20% de rédution des coûts. Un objectif atteint par l'ensemble des catégories de personnels, sauf les pilotes. D'après la direction, ceux-ci n'auraient pas dépassé 13% de réduction des coûts. Une accusation réfutée par leur principal syndicat, le Syndicat National des Pilotes de Lignes (SNPL). Son porte-parole, Emmanuel Mistrali, affirmait ce matin au micro d'Europe 1 que les pilotes avaient respecté ces engagements.


Un appel à l'aide à la justice face à des "négociations infructueuses."

Pour forcer les pilotes à respecter leurs engagements en terme de réduction des coûts, dans le cadre de l'opération de gains de productivité, Air France fait appel à la justice. Dans leur communiqué du mardi 16 juin, le groupe annonce avoir engagé "une procédure juridique en référé" à l'encontre du SNPL. Le but ? Forcer le syndicat, et à travers lui l'ensemble des pilotes de la compagnie, à tenir les objectifs de 20% de réduction des coûts. Le groupe reproche notamment au SNPL son "absence de progrès, après sept mois de négociations, sur la mise en oeuvre des mesures prévues dans l'accord signé dans le cadre du plan Transform 2015."

C'est en effet dans le cadre de ce PDV que les objectifs en terme de gains de productivité avaient été énoncées. La direction d'Air France accuse aujourd'hui le SNPL de n'avoir réduit leurs coûts que de 130 millions d'euros sur les 200 millions requis. Pire, il est reproché au syndicat d'avoir empêché les pilotes de réaliser les économies exigées, notamment la baisse du paiement des heures de nuit et la mise en place d'un forfait pour le travail au sol.

Le SPNL, qui nie en bloc ces accusations, attend toujours des engagements clairs sur les contrats des pilotes de Transavia France. Cette compagnie low-cost lancée par Air France en 2007 avait été à l'orgine de la grève des pilotes, menée par le SNPL. Le syndicat, qui doit reprendre les négociations sur le sujet jeudi 18 juin, estime que le recours en justice est "un message assez mal venu" et accuse la direction de ne pas vouloir discuter.