Akbar al-Baker est désormais officier de la Légion d'honneur. La cérémonie a eu lieu ce 5 juin dans le salon doré des Ambassadeurs et c'est le Président Hollande lui-même qui a épinglé la décoration au revers du PDG de 53 ans.
Selon l'enquête du Point, à l'occasion de cette remise de la légion d'honneur, le président Hollande a vanté «l'excellence des relations entre la France et l'émirat». Pourtant l'agenda présidentiel du 5 juin fait étrangement montre d'une réelle discrétion puisque cette cérémonie n'y est tout simplement pas indiquée. Mais devant la fuite dans la presse, l'Elysée a dû la confirmer deux jours plus tard par un court communiqué.
Nicolas Beau, journaliste et co-auteur Du vilain petit Qatar ne s'étonne pas de ces fuites dans la presse. «il faut s'interroger sur d'où vient cette fuite alors que François Hollande ne voulait visiblement pas que cela se sache. Je pense qu'elle vient du Qatar. Cela lui permet de montrer qu'il a encore des amis en France et de lancer un message à Air France».
Qatar Airways, qui a pour projet de desservir les aéroports français, lorgne en effet sur les plates-bandes de la compagnie aérienne française qui ne peut que s'inquiéter de cette décoration, selon Nicolas Beau.
Qatar Airways possède la flotte d'avions la plus importante du monde et exploite principalement des Airbus. La compagnie qatarie a désormais l’intention d’accroitre sa présence sur le territoire français. Elle vient d'obtenir de nouveaux droits de trafic après l’achat en mai dernier de 24 avions de combat Rafale par le royaume qatari. "Qatar Airways est en guerre contre Air France. La France vient juste de leur accorder des avantages sur les dessertes de Lyon et de Nice en France. La compagnie augmente aussi fortement ses capacités à Paris en positionnant un deuxième A380 à Roissy. François Hollande, par cette discrétion, ne voulait pas agacer plus encore Air France qui n'est déjà pas très content» analyse le co-auteur du Vilain petit Qatar.
La Qatar à l'assaut de l'économie française?
Le Qatar aurait investi, selon les chiffres officiels, 12 milliards de dollars en France, soit 10% du total de leurs investissements mondiaux. Il a ainsi su habilement tisser une toile d'investissements en France qui tiennent presque de l'inventaire à la Prévert : magasin Printemps, hôtels Concorde Lafayette à Paris et Martinez à Cannes, parts d'entreprises du CAC 40 aussi prestigieuses que Lagardère, EADS, Vinci, LVMH et bien sûr le club de football du PSG... autant de signes qui traduisent la boulimie du petit royaume.
Mais cela a-t-il évolué depuis l'arrrivée au pouvoir de François Hollande? Pas vraiment selon Nicolas Beau: «Nicolas Sarkozy et l'émir du Qatar co-géraient ensemble une partie de la politique étrangère française. Même une fois hors du pouvoir, Nicolas Sarkozy a pu intervenir aussi dans le sens de la diplomatie qatarie. François Hollande a introduit plus de distances, mais pas beaucoup non plus. Surtout qu'il a cherché à vendre les avions Rafales et que pour cela il a été prêt à fermer les yeux sur beaucoup de choses».
Cependant le journaliste entrevoit comme une évolution dans la stratégie du Qatar en France. Si jusqu'à présent, le royaume avait surtout investi dans de grandes entreprises, son appétit le met, cette fois-ci, en concurrence directe avec Air France, pourtant détenu à 16% par l'Etat français. «Nicolas Sarkozy leur avait donné de gros avantages fiscaux qui coûtaient déjà à la France de l'argent public. Mais avec cette affaire d'Air France, les positions d'une grande compagnie française sont rognées. Ce sont des calculs économiques à court terme. On renfloue l'industrie aéronautique mais on porte tort à l'aviation civile».