«Le président de la République nous a fixé un objectif, celui de faire en sorte qu'à Belfort les activités ferroviaires d'Alstom soient maintenues», a déclaré Michel Sapin sur le perron du palais présidentiel à l'issue de cette réunion, convoquée cinq jours après l'annonce par le groupe de l'arrêt de sa production de trains sur son site historique en Franche-Comté. Cette décision, qui a provoqué un choc dans la région, menace plus de 400 emplois.
«C'est à cet objectif-là que nous allons travailler avec les élus, les organisations syndicales, la direction d'Alstom et l'ensemble de ceux qui, en capacité de passer un certain nombre de commandes en France, peuvent permettre d'assurer le plan de charge qui permettra de sauver les activités ferroviaires d'Alstom à Belfort», a-t-il enchaîné.
Toujours selon le ministre de l'Economie, ce «début de semaine sera décisif en termes de rencontres, de concertations, de décisions pour l'avenir du site de Belfort d'Alstom».
«Un objectif et un seul», selon lui : «Redonner de l'espoir aux salariés», «du travail pour ceux qui aujourd'hui sont inquiets pour leur avenir».
Michel Sapin a une nouvelle fois condamné la façon «inadmissible» avec laquelle la direction d'Alstom a annoncé la fermeture de son site de Belfort, berceau historique du groupe.
Le Premier ministre Manuel Valls, Michel Sapin, le secrétaire d'Etat à l'Industrie Christophe Sirugue et le secrétaire d'Etat aux Transports Alain Vidalies ont également participé à cette réunion d'une heure présidée par le chef de l'Etat.
Le commissaire aux participations de l'Etat, Martin Vial, était également présent, l'Etat possédant 20% des droits de vote au sein du conseil d'administration d'Alstom.
«La méthode employée par Alstom est inacceptable. Nous l'avons dit cette semaine aux dirigeants d'Alstom», avait déclaré le Premier ministre Manuel Valls le 11 septembre.
Le constructeur ferroviaire, confronté à une pénurie de commandes, avait annoncé le 7 septembre l'arrêt de la production de locomotives sur son site historique de Belfort, qui sera «transféré» à Reichshoffen (Bas-Rhin) pour 2018. Cette décision, qui a provoqué un choc dans la région, menace plus de 400 emplois. Alstom s'est tout de même engagé à soumettre aux salariés «une proposition de transfert», vers d'autres sites.
Pour l'exécutif, il est hors de question d'entériner un tel scénario à quelques mois de la présidentielle de mai 2017.
La fermeture des hauts fourneaux d'ArcelorMittal à Florange (Moselle) en 2013, vécue par les salariés comme une «trahison» de François Hollande, a marqué les esprits.
Manuel Valls connaît par ailleurs les dégâts que peut faire ce genre d'annonces en pleine campagne. Il était chargé de la communication au cabinet de Lionel Jospin, Premier ministre de 1997 à 2002, lorsque ce dernier avait déclaré qu'il ne fallait «pas attendre tout de l’Etat ou du gouvernement», à propos de milliers de suppressions d'emplois chez Michelin.
Peu avant la présidentielle de 2002, où il avait été éliminé au premier tour, Lionel Jospin affirmait, devant l'usine LU d’Evry dans l'Essonne, qu'«on ne p[ouvait] pas imposer sa loi à chaque entreprise».
«Renoncement national»
L'opposition s'est déjà emparée de l'affaire.
«Comment l’Etat peut-il accepter que son coactionnaire annonce la fermeture du site sans qu'il soit au courant ?», s'est ainsi étonné l'ex-président Nicolas Sarkozy dans le Journal du Dimanche (JDD). «Hollande restera comme le président du renoncement national», a-t-il ajouté.
«L'Etat doit sauver ce site», a aussi déclaré la présidente du Front national, Marine Le Pen, sur TF1. «On voit bien là le rôle que doit avoir l'Etat stratège de soutien de nos champions industriels», a-t-elle ajouté.
Mais que peut faire l’Etat qui, avec 20% des droits de vote au conseil d'administration d'Alstom, n'est qu'actionnaire minoritaire ?
Pas grand-chose, selon l'ex-ministre de l'Economie Emmanuel Macron, qui a déclaré à l'AFP que l’Etat ne pouvait pas «empêcher» la fermeture du site. Le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici, estime lui que «l’Etat ne peut pas, à lui seul, empêcher cette fermeture, mais qu'il doit avoir une parole, une action».
La ministre de l'Environnement et de l'Energie, Ségolène Royal, a pour sa part estimé dans la soirée que puisque le groupe devait «monter en puissance sur toutes les technologies du renouvelable», il pourrait «développer» sa filière énergie renouvelable à Belfort.
«Le gouvernement doit taper fort sur la table pour obliger Alstom à revoir sa décision et éviter un désastre humain», a souhaité pour sa part Olivier Kohler, délégué CFDT à Belfort. L’Etat a, selon lui, «un moyen de pression important via toutes les commandes que la SNCF passe à Alstom».
Le syndicaliste a regretté que Bercy ne se soit pas montré «assez virulent» vis-à-vis du PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, qu'il avait convoqué le 8 septembre.
Un rassemblement est prévu le 12 septembre à 19h devant l'Hôtel de Ville de Belfort, à l'appel de l'Union départementale de la CGT.
Une pétition pour le maintien du site, lancée par les élus locaux, avait recueilli la veille plus de 4 000 signatures.