«J'ai demandé à Philippe Péninque (avocat fiscaliste ayant notamment cofondé le site Egalité et réconciliation) d'ouvrir un compte en Suisse en 1992 (...). Ce compte, c'est du financement d'activités politiques pour un homme dont j'espérais qu'il aurait un destin politique national», a assuré Jérôme Cahuzac, lors de l'audience. L'homme politique en question n'était autre que le socialiste Michel Rocard, décédé début juillet – qui, a précisé l'ex-ministre du Budget, ignorait tout de ce financement occulte.
Selon l'accusé, l'argent placé en Suisse devait servir à financer une hypothétique candidature de Michel Rocard à l'élection présidentielle.
Alors qu'il lui était demandé si des personnes «au-dessus de lui» avaient eu connaissance du compte secret, Jérôme Cahuzac a répondu, amusé : «ou (des personnes) à côté».
L'ancien ministre du gouvernement Jean-Marc Ayrault a en outre indiqué que l'argent placé en Suisse provenait notamment du milieu de la santé... et que ce genre d'opération se faisait dans tous les partis. Aucun nom, toutefois, n'a été lâché.
Reprise du procès après quelques mois d'interruption
Quatre ans après avoir provoqué l'un des scandales les plus éclatants de la présidence Hollande, Jérôme Cahuzac comparaissait, le 5 septembre, devant la tribunal correctionnel de Paris, pour fraude fiscale et blanchiment, ainsi que pour avoir «minoré» sa déclaration de patrimoine lors de son entrée au gouvernement en 2012.
Le procès s'était ouvert en février dernier, mais les avocats de l'ex-ministre du Budget étaient parvenus à le faire reporter, en soulevant deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Ceux-ci estimaient que leur client risquait une peine à la fois fiscale et pénale, ce qui serait contraire au principe constitutionnel de «nécessité des peines», excluant les «doubles poursuites». En juin, toutefois, le Conseil constitutionnel avait réfuté cet argument, permettant la réouverture du procès.
Les secousses de l'affaire, quatre ans plus tard
La reprise du processus judiciaire, le 5 septembre, a réouvert les plaies de ce scandale national. Edwy Plenel a ainsi profité de l'événement pour rappeler le rôle crucial apporté par son site d'investigation, Mediapart, dans la révélation du compte que l'ex-membre du gouvernement détenait à l'étranger.
Par ailleurs, le député «frondeur» du Parti socialiste (PS), Yann Galut, a souligné le rôle paradoxal de cette affaire qui a permis de prendre conscience de l'ampleur des dégâts causés par la fraude fiscale en France.
L'eurodéputée centriste, Corinne Lepage, a quant à elle choisi d'établir un parallèle entre l'affaire Cahuzac et les casseroles judiciaires que traînerait Nicolas Sarkozy, afin de dénigrer la domination des grands partis sur la vie politique française.
Un parallèle également tracé par la députée FN Marion Maréchal-Le Pen.
Plus simplement, le député UDI Rudy Salles a exhumé une ancienne photo de Jérôme Cahuzac où on le voit, ministre, assister à une conférence sur la lutte contre la fraude fiscale...