France

Areva, inquiétudes pour la pérennité de l'entreprise du nucléaire

Alors qu'Areva cumule des pertes abyssales, les syndicats se montrent inquiets. Divers plans se dessinent pour sauver l'entreprise.

C'est l'inquiétude chez les salariés d'Areva. Les syndicats viennent de remettre au ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, une synthèse de leur proposition pour sauver l'emploi au sein du géant français du nucléaire. Selon eux, l'Etat actionnaire à 87%, ne doit «pas s'affranchir de sa responsabilité dans le sauvetage» de cette entreprise qui fut longtemps considérée comme le fleuron du savoir-faire français en matière de nucléaire.

Il faut dire que les syndicats ont de quoi s'inquiéter avec l'annonce début mai d’une suppression de 6 000 postes sur les 44 000 que compte le groupe, soit 18% de l'effectif dans le monde. De plus, les finances de l'entreprise sont plombées par des pertes s'élevant à 4,8 milliards d'euros pour un chiffre d'affaires de 8,3 milliards.

Vers le démantèlement d'Areva?

Pour de nombreux connaisseurs de ce dossier, la solution pour sauver Areva passera par le démantèlement de ses différentes activités. 

Déjà EDF, l'entreprise publique détenue à 85% par l'Etat, s'est déclarée, début mai, intéressée par une reprise partielle de ses seules activités nucléaires, regroupées sous la filiale Areva Nuclear Power. EDF, client mais aussi rival historique d'Areva sur le terrain de l'énergie nucléaire, souhaite ainsi ajouter à ses 19 centrales hexagonales et à ses 58 réacteurs l’activité de production des réacteurs détenue par l'entreprise en difficultés.

L’Etat, actionnaire des deux géants de l'atome, semble privilégier cette solution pour laquelle il plaide depuis des mois. Cette cession offre en effet l'avantage d'éviter à l'Etat de débourser de l'argent public pour sauver un groupe dangereusement déficitaire.

Seulement, Areva demeure hostile à toute cession de la totalité de son pôle nucléaire qui représente 40% de son chiffre d’affaires et de ses effectifs. Les syndicats, quant à eux, dénoncent «un démantèlement sans logique industrielle». 

Toute cession signifierait surtout la fin d'une époque et l'abandon du modèle intégré sur lequel Areva fut créé en 2001, par le regroupement de Framatome (centrales nucléaires), Cogema (activités liées à l'Uranium, mines, enrichissement, recyclage) et Technicatome (Nucléaire naval).  

Les dirigeants de l'entreprise pourraient alors regarder d'un bon oeil les récentes propositions du groupe Engie (ancien Gaz de France Suez) qui semble lui aussi intéressé. «Si nous envisageons quelque chose, ce serait en coopération avec Areva, pas simplement une acquisition de certains actifs» vient ainsi de déclarer Gérard Mestrallet, le PDG d'Engie, sans préciser toutefois quelle serait la teneur exacte de cette coopération.

Au-delà de la raison économique, la raison d'Etat

Depuis la catastrophe de Fukushima, le nucléaire n'a plus le vent en poupe en Europe. L'Allemagne, où Areva est très implantée, a par exemple déjà fermé 8 de ses 17 réacteurs nucléaires et envisage de fermer le dernier en 2022. La Suisse souhaite sortir du nucléaire d'ici 2034, tout comme la Belgique et l'Italie. Autant de marchés en moins pour l'entreprise française.

Pourtant, en France, 77% de la production d'électricité passe encore par la filière nucléaire. Une dépendance qui explique l'extrême attention accordée par l'Etat à ce dossier.

L'avenir d'Areva se jouera sans doute à l’Elysée, le 3 juin, au cours d’une réunion présidée par François Hollande. Les dirigeants d’EDF et d’Areva n’y ont pas été conviés.