France

Face à la polémique nationale, la «journée burkini» annulée, comment en est-on arrivé là ?

Afin de permettre aux femmes musulmanes de respecter les règles de l'islam, l'association Smile 13 avait trouvé la solution : privatiser un parc aquatique pendant une journée. Mais l'initiative s'est ébruitée et a suscité une levée de boucliers.

C'est une information que certains responsables politiques n'ont pas manqué de saluer : le parc aquatique SpeedWater a rejeté la demande de l'association Smile 13, qui comptait organiser sur place une sortie piscine réservée à des mères de familles et leurs enfants. 

Sur sa page Facebook, cette association déplore cette décision : «que des célébrations de joie au sein de la fachosphère aient lieu parce qu'on a privé des centaines de femmes et d'enfant d'une journée piscine, est symptomatique de l'état de notre société».

Bien que parfaitement légale, cette journée a suscité une véritable polémique : en effet, sur le flyer de l'événement organisé par Smile 13, il était préconisé de cacher le corps des baigneuses de la poitrine aux genoux. afin de respecter l'«awra», le code musulman qui définit les parties du corps que l'on peut montrer et celles que l'on doit cacher selon le sexe et l'âge. 

Michel Amiel, le maire de la commune où se trouve le parc aquatique Speed Water où la «journée burkini» était prévue, est allé à la rencontre du directeur et l'a convaincu de ne pas louer son parc à l'association Smile 13.

«Ce type d'événement ne va pas dans le sens des lois de la République, de l'égalité hommes-femmes. Ce qui me choque c'est qu'on dise à des femmes qu'il faut qu'elles se couvrent, sinon elles sont impudiques» dénonce l'édile divers gauche des Pennes-Mirabeau. Michel Amiel avait ainsi appelé les «gens qui pratiquent l'islam à éviter ce genre de provocation». 

Un événement local... devenu une polémique nationale

L'annulation de cet événement par la direction du parc sous la pression de la commune fait suite à une véritable tempête médiatique qui a divisé la France ces derniers jours. Doit-on et peut-on interdire ce type d'événements, où des principes vestimentaires religieux deviennent un motif de sélection pour participer à un événements de loisirs ?

L'association marseillaise Smile 13 (acronyme de Sœurs marseillaises initiatrices de loisirs et d’entraide) a officiellement pour vocation des activités et des loisirs pour des mères de famille et leurs enfants. Elle propose aussi des cours d’arabe et de lecture du Coran, ainsi que des ateliers cuisine durant le ramadan. Cet été, Smile 13 proposait donc d'organiser une sortie dans un parc aquatique des Bouches-du-Rhône interdite aux hommes et où le burkini (un maillot de bain couvrant la plupart des partie du corps et les cheveux) serait requis pour les femmes.

L'organisation de l’événement été vivement critiquée par des personnalités politiques, notamment de droite et au Front national, y voyant un choix «communautariste», voire «islamiste». 

La députée européenne et candidate aux primaires des Républicains, Nadine Morano a même partagé le 4 août sur sa page Facebook une pétition demandant l'interdiction de l'événement : 

L'ancien dirigeant du parti UMP Jean François Copé de son côté s'est déclaré scandalisé par cette affaire et surpris par l'absence de réaction de la part du président, du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur à cette polémique. «C'est une véritable provocation dans le contexte de violence et de tensions lié au terrorisme islamiste et au message de haine développé par Daesh sur notre sol» estime l'ancien président de l'UMP. Il demande également que des «investigations approfondies soient menées concernant l'organisation de cette manifestation et ceux qui l'ont inspirée car cette initiative s'inscrit complètement dans les prescriptions du communautarisme islamiste».

Si François Hollande, Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve ne se sont pas exprimés sur le sujet, certains ténors du PS dans la région sont sortis du silence jeudi 4 août pour prendre la défense de la manifestation.

Patrick Mennucci, Député de la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, rappelle que cet événement n'a rien d'illégal et souligne le caractère selon lui «anti-musulman» de la polémique.

Pour la sénatrice des Bouches-du-Rhône Samia Ghali, cette polémique est une «hystérie politico-médiatique» qui n'a pas lieu d'être, puisqu'elle n'est pas illégale. 

Enfin, l'association a reçu le soutien du Collectif contre l'islamophobie : «Le CCIF soutient cette association dans l'ensemble de ses démarches face aux discours de haine et aux menaces dont elle est la cible» déclare le collectif dans un communiqué. 

Ce n'est pas la première fois que le «burkini» suscite la polémique en France : déjà au mois d'avril, la marque Mark&Spencer proposait des maillots de bain qui recouvrent la totalité du corps. La ministre du Droit des femmes Laurence Rossignol avait alors qualifié «d'irresponsable» les marques qui proposaient ce type de produit, tandis que la philosophe Elisabeth Badinter appelait au «boycott» de la promotion et de la vente, par des marques vestimentaires occidentales, de tenues islamiques.