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EN CONTINU : début de l'examen de la loi travail à l'AN, les réactions de défiance se multiplient

L'Assemblée nationale doit commencer ce mardi 3 mai l'examen de la loi travail portée par la ministre du Travail Myriam El Khomri. Les députés ont jusqu'au 17 mai pour se prononcer sur le texte.

Mardi 3 mai

Les députés du Front de Gauche, «déterminés» à se «battre» pour un retrait du projet de loi travail, porteur de «régressions sociales», voteront mardi les deux motions de rejet et de renvoi déposées par Les Républicains, a annoncé André Chassaigne ce mardi 03 mai.

«Notre première volonté, la priorité des priorités, est le retrait de ce texte de régression sociale. Nous voterons donc les motions de procédure portées par la droite mais avec nos propres arguments, à l'opposé du discours de la droite», a déclaré le chef de file du groupe en conférence de presse.

Le groupe n'a pas pu obtenir lui-même de telles motions, tirées au sort en fonction de la représentativité, a précisé André Chassaigne. Une moitié du groupe écologiste, celle qui conteste la politique gouvernementale, devrait également voter la motion de renvoi en commission, mais pas la motion de rejet du texte, selon des sources écologistes.

Les groupes LR et UDI à l'Assemblée ont indiqué mardi qu'ils déposeraient une motion de censure contre le gouvernement si l'exécutif recourait au 49.3 pour faire adopter le projet de loi travail.

«Ce qui est certain, c'est que nous déposerons une motion de censure si le gouvernement recourt au 49.3», a indiqué le patron des députés LR Christian Jacob lors d'une conférence de presse.

Lors d'un autre point presse, le président du groupe UDI Philippe Vigier s'est dit persuadé que l'exécutif «va arrêter le match avant la fin» en recourant au 49.3, article de la Constitution qui permet à un gouvernement de faire adopter un texte sans vote en engageant sa responsabilité.

Le secrétaire général du PCF, Pierre Laurent, présent à la manifestation de ce mardi 03 mai aux Invalides à Paris a été interrogé par RT France. Il a estimé «important que le débat parlementaire démarre sous la pression populaire». «Nous allons entamer le débat avec l'objectif de refuser ce texte», explique-t-il.

Manuel Valls a invité ce mardi les députés PS à «tenir compte» de l'accord obtenu avec les syndicats réformistes sur la loi travail, lors d'une réunion de groupe dans une «ambiance un peu tendue», selon un participant.

Interrogé par la presse sur le message qu'il avait adressé aux députés, à quelques heures du début des débats dans l'hémicycle sur ce texte controversé, le Premier ministre a répondu laconiquement : «Fierté de ce que nous faisons». La réunion s'est déroulée dans une «ambiance un peu tendue», selon un député présent, et, à sa «grande surprise», en présence de «pas grand-monde».

Le Premier ministre a tenté de convaincre les hésitants : «Vous vouliez qu'on trouve un terrain d'entente avec les syndicats réformistes. Eh bien nous avons conclu un accord avec les syndicats réformistes! Donc il faut en tenir compte», selon des propos rapportés par un participant.

Le candidat à la primaire des Républicains pour 2017, François Fillon a affirmé dans Les Echos qu'il ne votera pas le projet de loi El Khomri sur le travail, en estimant que le débat est «déjà dépassé». «J'étais prêt à voter» la première mouture du texte mais «depuis, il ne reste plus grand-chose !», regrette ce mardi 03 mai le député de Paris, «pour faire passer son projet, le gouvernement multiplie les contreparties alourdissant les contraintes des entreprises. Ne reste aujourd’hui dans son texte que les accords offensifs et quelques assouplissements sur le licenciement».

François Fillon dénonce la «série de concessions» faites par le gouvernement aux organisations syndicales, «dont la pire serait, si elle passe, la taxation des CDD». «Je ne me prêterai donc pas à voter ce texte. Notre groupe déposera des amendements mais honnêtement, c’est déjà un débat dépassé. Il n’y a plus personne dans le pays pour croire encore que d’ici un an, les conditions du droit du travail puissent être vraiment assouplies», affirme-t-il.

Sur BFMTV et RMC, l'ancien Premier ministre a prédit que le gouvernement aurait recours au 49.3 sur ce texte : «Je pense qu'il ne peut plus se permettre un recul au Parlement, donc le 49.3 sera utilisé».

Le député écologiste de la Gironde Noël Mamère a réaffirmé son opposition à la loi Travail ce mardi 03 mai sur France Inter : «le fond de cette loi est mauvais et il faut donc que cette loi soit retirée». «De la part d'un gouvernement de gauche, demander un 49.3, c'est-à-dire un passage en force devant les parlementaires, sur un projet de loi social, me paraît extravagant. (…) Ce serait un déni démocratique», a-t-il précisé. «Ca serait pour le président de la République une atteinte à la faible légitimité qui est la sienne aujourd'hui, une atteinte de plus», a conclu le député écologiste.

Le recours au 49.3 «est toujours possible», a déclaré le président du groupe PS à l'Assemblée nationale Bruno Le Roux, tout en jugeant qu'«il n'est pas souhaitable» sur le projet de loi Travail. Interrogé ce mardi 03 mai sur iTELE sur un possible recours à l'article 49.3 de la Constitution, il a déclaré qu'«il est toujours possible sur les textes quand il peut y avoir un problème de majorité».

 

«Il n'y a pas besoin de 49.3 pour faire appel à l'intelligence», a-t-il précisé, «je dis aujourd'hui qu'il nous manque des voix pour avoir la majorité, mais c'est le travail du débat, du Parlement, que d'essayer de les convaincre».

Le syndicat Force ouvrière (FO) continuera de demander le «retrait» du projet de loi travail tant que le gouvernement persistera à vouloir supprimer la primauté de la branche dans la négociation collective, a déclaré ce mardi 03 mai son secrétaire général Jean-Claude Mailly.

«Jamais FO n'acceptera l'inversion de la hiérarchie des normes», qui fait qu'un accord d'entreprise pourra primer sur un accord de branche même s'il est moins favorable, a-t-il déclaré sur France Info, à quelques heures du début de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, «tant que le gouvernement ne bouge pas, ce sera toujours le retrait que nous réclamerons».

«Pour le moment, le gouvernement reste braqué sur la suppression de la branche dans la négociation collective», a-t-il estimé, réaffirmant que ce point constitue «une ligne rouge».

Le député de l'Yonne et porte-parole du parti Les Républicains, Guillaume Larrivé, appelle à une «vraie réforme du marché du travail». «A la majorité de décider, mais j'ai vraiment l'impression qu'à force d'aller dans tous les sens, le gouvernement vraiment ne va nulle part. On voit bien qu'il n'arrive pas à choisir au fond entre une ligne réformatrice qui serait pro-entreprises et pro-salariés et une ligne très conservatrice qui est celle de la gauche de la gauche», a-t-il déclaré, avant d'ajouter : «Je crains vraiment qu'on ait cette semaine et la semaine prochaine un débat pour rien qui illustre malheureusement l'immobilisme dans lequel le gouvernement de François Hollande est désormais installé».

Le projet de loi travail qui arrive ce mardi 03 mai dans l'hémicycle de l'Assemblée, dans sa version actuelle, «nous fait très peur» et «ne créera pas d'emplois», a affirmé le président du Medef Pierre Gattaz. «En l'état, elle nous fait très peur cette loi», et les patrons «sont très inquiets» de son évolution, a-t-il déclaré sur RTL, sans toutefois demander son retrait. 

«J'attends vraiment des députés qu'ils reviennent à l'esprit initial de la loi», a répété le chef de l'organisation patronale. «Ce marché du travail doit être déverrouillé, le monde entier le dit, Bruxelles le dit, toutes les instances internationales le disent», a-t-il ajouté.

Le recours au 49.3 «n'est pas un choix que nous privilégions» pour le projet de loi El Khomri très contesté sur la réforme du code du travail, a déclaré Manuel Valls en écartant aussi tout abandon du texte. «Ce n'est pas un choix que nous privilégions. Chaque chose en son temps», a dit le Premier ministre à des journalistes lors de son voyage de retour vers Paris, dans la nuit de lundi à mardi, à l'issue d'un périple dans le Pacifique.

«Non», a-t-il aussi répondu simplement à une question sur un éventuel retrait du texte qui arrive mardi dans l'hémicycle de l'Assemblée pour deux semaines d'un examen sous pression de la rue et d'une partie de la majorité. «Il ira au bout du processus», a ajouté Manuel Valls, même s'il ne se fait pas d'illusions sur l'opposition résolue des «frondeurs (du PS) et des aubrystes».

La présidente du syndicat des cadres CFE-CGC, Carole Couvert, a indiqué s'opposer «à davantage d'accords d'entreprise» dans une interview ce mardi 03 mai au matin, sur les ondes de Radio Classique. «Nous sommes attachés aux accords de branche. C'est le seul moyen de garantir une équité de traitement entre salariés d'un même secteur et aussi entre entreprises de toutes tailles», a-t-elle ajouté.

Pour ce syndicat, cette loi intervient en plus dans un moment «d'anxiété» pour les salariés et les cadres en raison des difficultés d'accès à l'emploi. Carole Couvert indique qu'il n'y a «pas de lien entre la protection de l'emploi et le taux de chômage». «Nous sommes dans une journée historique. C'est la première fois que la CFE-CGC annonce un rassemblement (à 11h00 sur l'esplanade des Invalides), alors que cela n'est pas dans notre ADN», a-t-elle précisé.

«Ce n'est pas une loi de régression sociale comme certains voudraient le faire croire ou le dire», a réagi le conseiller régional PS et proche de François Hollande, Julien Dray. «Le texte a beaucoup progressé. (...) Après il y a des précisions qui vont encore être apportées, dans le débat parlementaire, notamment sur le champ des licenciements».

«Après chaque parlementaire devra ce poser cette question là : "S'il n'y a pas la loi El Khomri, s'il n'y a pas notamment le compte personnel d'activité, s'il n'y a pas la garantie jeune, est-ce que la situation est mieux ?"», a-t-il ajouté, avant de poursuivre au sujet de l'utilisation du 49.3 : «Si tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant aboutit à une paralysie, eh bien il faut utiliser le 49.3».

La ministre du Travail Myriam El Khomri se dit «impatiente» de défendre à partir de mardi la loi Travail à l'Assemblée nationale, mais «refuse de faire planer la menace» du recours à l'article 49-3 de la Constitution pour imposer son texte.

Dans une interview à paraître ce mardi 03 mai dans Le Parisien/Aujourd'hui en France, la ministre note que «la Constitution prévoit cet outil» de l'article 49-3, mais «je refuse de faire planer la menace». «Je ne suis pas dans cette perspective» d'avoir recours à l'article en question, poursuit Mme El Khomri, qui attend de voir «comment les choses se déroulent» au Parlement.

Près de 5 000 amendements ont été déposés. Le gouvernement a engagé la «procédure accélérée» sur ce projet, obligeant les députés à l'examiner en une seule lecture - au lieu de deux normalement. Le texte avait déjà été modifié début avril par les députés siégeant à la commission des Affaires sociales.

Parallèlement, les syndicats étudiants et de travailleurs ont appelé à de nouvelles manifestations pour s'opposer au vote de ce projet de loi.

Les débats parlementaires seront ouverts en milieu d'après-midi ce mardi par la ministre du Travail Myriam El Khomri, après quatre journées nationales de mobilisation, et des manifestations du 1er mai centrées sur un rejet du texte.