France

France : une artiste retire des tapis de prière de son exposition

Une installation formée de tapis de prière musulmans avec des chaussures à talon a été retirée d’une exposition artistique près de Paris après les menaces d’un groupe musulman qui a prévenu que cela pourrait provoquer une réaction « imprévisible ».

L’installation « Silence » devait être présentée lors d’une exposition consacrée à la femme à Clichy [juste au nord de la capitale]. Mais Zoulikha Bouabdellah, artiste franco-algérienne, a décidé de retirer son œuvre juste avant le début de l’exposition.

La semaine dernière, un groupe musulman local avait dit à la municipalité de Clichy que l’œuvre qui avait déjà été exposé à Paris, Berlin et New York depuis 2007 pourrait provoquer « des incidents irresponsables et irréfléchis ».

Selon le communiqué signé par l’artiste et Christine Ollier, l’une des commissaires de l’exposition, la pièce a été retirée afin « d’éviter toute polémique et répercussions que pourrait engendrer la présentation de cette installation même si elle ne revêt aucun caractère blasphématoire ».

Zoulikha Bouabdellah a souligné que son œuvre n’avait pas pour intention « ni de choquer ni de provoquer, mais plutôt de proposer une vision à partir de laquelle peut s’instaurer un dialogue » sur les questions de l’identité, de la féminité et de l’islam.

Après les attaques terroristes qui ont fait 17 morts au début du mois en France, le pays connaît un climat d'extrême tension, provoqué par ce que le Premier ministre a nommé « un apartheid territorial, social, ethnique ».

Dans une lettre ouverte, Zoulikha Bouabdellah a écrit:

« Je mets cette incompréhension sur le compte de l’émotion liée au drame qui a touché Paris récemment et ne souhaite en aucun cas que cette œuvre serve de prétexte à quelques-uns pour continuer à nourrir les amalgames à travers des interprétations erronées ».

L’artiste a décidé de remplacer son œuvre par la vidéo « Dansons », où elle exécute une danse du ventre avec l'hymne français en fond sonore.

 

L'artiste conceptuel ORLAN, l’une des vingt femmes dont les travaux étaient présenté dans l’exposition, a condamné la décision de sa consœur en la qualifiant d’« acte d’autocensure » et a retiré son œuvre pour marquer sa protestation.

« Je m'insurge contre toutes pressions et/ou menaces qui auraient pour conséquence qu'une œuvre d'art pacifique soit retirée d'une exposition, que ce soit par un groupe chrétien, un groupe musulman ou un groupe se réclamant de toute autre croyance », écrit-elle sur Facebook.

« C'est la porte ouverte à toutes sortes de restrictions insidieuses de notre liberté d'expression, au risque que nous passions consciemment ou inconsciemment de l'autocensure à la précaution et de la précaution à l'inhibition provoquées par la menace et la peur », a-t-elle ajouté.

Les organisateurs de l’exposition ont demandé au maire de Clichy Gilles Catoire d’apporter publiquement son soutien à l’exposition « Silence » ou alors de la fermer.