Pour François Hollande, arrivé tôt samedi matin pour l’inauguration, la sérénité aura duré moins d’une heure. Il a rapidement fait face à des agriculteurs remontés qui scandaient «Démission !», avant de le huer, de le siffler et même de l’insulter.
Si le chef de l’Etat a tenté de calmer le jeu en assurant qu’il entendait «les cris de détresse» et en affirmant qu’il allait «tout faire» pour aider le monde agricole. Il a par ailleurs promis que la loi de modernisation de l’économie, votée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy en 2008 et souvent ciblée par les agriculteurs, serait revue.
Toutefois, ces promesses n’ont pas calmé la colère des manifestants qui ont mené d’autres actions revendicatrices. Un éleveur particulièrement remonté a ainsi tenté, sans succès, de lancer une bouse de vache au visage du président. Quant au stand du ministère de l’Agriculture, il n’a pas été très apprécié, puisque des activistes l’ont totalement démonté, avant d’être interrompus par la police.
Une personne aurait été blessée dans les heurts et cinq interpellées, mais elles ne devraient pas faire l’objet de poursuites, a indiqué Xavier Beulin, patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).
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Les activistes manifestaient leur mécontentement par rapport à l'état du secteur agricole et à la baisse du prix de denrées comme le lait et la viande, qui rendent difficile la rentabilité de leur production. Ils ont également mis l'accent sur la politique menée par l'Union européenne, qui avait notamment mis fin en 2015 aux quotas laitiers sur le continent. En laissant chaque pays produire autant qu'il le désire et en enlevant toute barrière à la concurrence, Bruxelles aurait tiré les prix vers le bas.
Face à la crise agricole, les hommes politiques réagissent
Au Salon de l’Agriculture ou ailleurs en France, les politiques n’ont pas tardé à s’emparer de ce sujet brûlant. Ainsi, le vice-président du Front National Florian Philippot s’est réjoui de l’accueil réservé à Hollande, dont il estime que lui et «tous ses complices UMPS qui sacrifient sciemment l’agriculture française méritent toutes les huées du monde».
Le président du parti gaulliste Debout La France, Nicolas Dupont-Aignan, a de son côté publié une lettre ouverte «aux hypocrites qui ont assassiné l’agriculture française», dans Le Figaro. Il y fustige les responsables politiques comme Stéphane Le Foll, François Hollande ou Nicolas Sarkozy, qui ont «capitulé à Bruxelles et bradé la seule politique communautaire qui marchait, la PAC».
La présidente du Conseil régional d'Ile-de-France Valérie Pécresse a elle donné un discours depuis le Salon de l’Agriculture, indiquant qu'elle envisageait de mettre en œuvre une «conférence régionale agricole», c’est-à-dire un lieu où l’on pourrait «faire le point» sur le secteur de l’agriculture, mais aussi de l’entreprise. Elle a par ailleurs pointé du doigt la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC), qui «va pénaliser les uns sans profiter aux autres», selon elle.
Chez les écologistes, certains ont préféré critiquer à la fois la politique du gouvernement, et le modèle agricole défendu par la FNSEA, à l’image du porte-parole lyonnais d’Europe Ecologie-Les Verts, qui prône un retour vers «le bio et le circuit court».
Enfin, le porte-parole du Parti de Gauche Eric Coquerel a tweeté : «Hollande au salon, nous à la manif contre aéroport NDDL [Notre-Dame-des-Landes] : qui défend le mieux les paysans et les terres agricoles ?», en référence au rassemblement organisé ce samedi près de Nantes.
En effet, des citoyens y ont également défilé aux côtés d'agriculteurs afin de protester contre le projet de construction d'un aéroport, qui pourrait être synonyme d'expulsion pour 11 familles.
Climat de tension agricole en France
Ces dernières semaines, le pays a été frappé par de nombreuses actions d'agriculteurs en colère contre la politique du gouvernement.
A Paris, des activistes s'étaient rassemblés devant un bâtiment administratif pour dénoncer l'excès de normes et de charges administratives qui leur étaient imposées. Ils avaient bloqué les issues du building, brûlé des pneus, répandu de la paille et symboliquement enterré un drapeau européen. Les activistes accusaient en effet Bruxelles d'être la cause de la surcharge de normes qui frapperait leur secteur.
Plus récemment, au Mans, une action d'agriculteurs protestant contre la baisse des prix de vente du lait et de la viande a été dispersée par les CRS à coups de lance à eau.
Dans l'Ain ou encore à Bordeaux et ailleurs en France, des actions ont également eu lieu.