Alain Juppé, candidat à la primaire de la droite et du centre pour 2017, était ce matin l’invité du journaliste Thomas Sotto sur l’antenne d’Europe 1. A l’occasion de la sortie de son livre, Pour un Etat fort, à paraître mardi, l’ancien Premier ministre a donné son avis sur les grands sujets qui font l’actualité.
La Une de Charlie Hebdo un an après les attentats
A l’occasion de l’anniversaire des attentats du 7 janvier, Charlie Hebdo, qui sort ce mercredi, a réalisé un numéro spécial. En Une du journal satirique, un homme d’église armée du Kalachnikov est jugé comme étant «l’assassin». Si le journal a été critiqué par les représentants des religions, Alain Juppé a aussi pris ses distances, affirmant «quand j’ouvre Charlie Hebdo, je ne suis pas toujours Charlie».
Alain Juppé affirme ainsi «on a le droit de ne pas rire, elle (cette Une) ne me fait pas rire». L’ancien Premier ministre affirme toutefois que sa «solidarité a été profonde et sincère» et qu’il s’est «senti Charlie lorsqu'on a assassiné des journalistes de la rédaction».
La déchéance de nationalité
Ce matin sur Europe 1, Alain Juppé s’est de nouveau montré prudent quant à la mesure de déchéance de nationalité voulue par François Hollande. Selon lui, «ce n'est pas un problème juridique, c'est un problème moral. Est-ce que la patrie des droits de l'homme peut se mettre en contradiction avec la déclaration des Droits de l'Homme : pour moi, la réponse est non. Dans le droit positif aujourd'hui, on peut déchoir de sa nationalité, un français binational. Ça ne me dérange pas, puisqu'on ne rend pas les gens apatrides».
S’il est donc globalement en accord avec cette mesure, comme il l’affirme dans son livre, il se montre en revanche très réservé sur la volonté d’une partie de la gauche d’étendre la déchéance de la nationalité à tous les Français. «Si un mono-national devient apatride, là je dis stop, c'est pour moi une ligne rouge absolue», a-t-il affirmé. Il se montre aussi plus circonspect sur la volonté présidentielle de modifier la Constitution, «un texte sacré».
Schengen et l’Europe
Interrogé par Dany Cohn-Bendit, chroniqueur pour la radio et européen convaincu, Alain Juppé s’est dit «atterré de voir aujourd’hui se défaire l'idéal européen». Conscient que la décision du Danemark, qui a rétablit des contrôles à ses frontières avec l’Allemagne, est un signe fort, Alain Juppé y a vu une «régression historique».
Pour le candidat à la primaire LR, ces décisions de divers pays européens prouvent que «Schengen est mort, il faut un nouveau traité». Européen convaincu, l’ancien Premier ministre plaide pour «maintenir la liberté de circulation entre les pays qui voudraient bien travailler ensemble, il faut harmoniser les politiques d'immigration et donner les moyens à l'agence qui contrôle les frontières de le faire». Il a en revanche balayé le discours eurosceptique qui voudrait faire croire que les nations perdent leur souveraineté au profit de l’Europe. Selon lui à l’inverse, la France «n'a pas assez transféré sa souveraineté, au point que les agents de Frontex n'ont pas accès aux fichiers de police».
Le chômage et les retraites
Alain Juppé a aussi jugé mardi «hors de portée» l'objectif de former 500.000 chômeurs annoncé par François Hollande, appelant à un changement «de logiciel» en matière de politique de l'emploi. Pour l’ancien Premier ministre, «une fois de plus, c'est un effet d’annonce» et il est même «surprenant que le président de la République décrète l'état d’urgence contre le chômage à la 4e année de son quinquennat».
Sur la question des retraites, qui avait entraîné les plus grandes grèves en France depuis mai 68 et couté son poste de Premier ministre à Alain Juppé en 1995, le maire de Bordeaux plaide pour «décaler l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans». Toutefois, l’ex Premier ministre explique avoir «retenu (de 95) la théorie que j'appelle maintenant de la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le vase sera bien plein, ça fait beaucoup de réformes à proposer, je ne rajouterai pas la goutte d’eau qui le fera déborder».
Sa candidature à la présidentielle
Souvent considéré, avec Nicolas Sarkozy, comme le favori de la primaire à droite, Alain Juppé ne souhaite pas lancer les hostilités trop tôt. Pour lui, il n’y a que «deux adversaires dans cette période : le FN, dont le programme serait désastreux pour la France et le pouvoir en place, qui découvre au bout de quatre ans du mandat du président qu’il y a urgence économique à lutter contre le chômage».
Hors de question donc, pour l’ancien ministre du gouvernement Nicolas Sarkozy, d’attaquer l’ancien Président de la République : «Nous trouverons le moyen d’assumer cette compétition dans le meilleur esprit possible».