France

«La France opposera son veto à l’accord Mercosur en cas de passage en force de Bruxelles», avertit Sébastien Lecornu

À deux jours du sommet décisif, Paris hausse le ton contre le projet d’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. Sébastien Lecornu a affirmé que la France voterait contre tout passage en force orchestré par Bruxelles. En toile de fond, l’absence de garanties sur l’agriculture et une forte contestation face à un traité jugé déséquilibré.

Le message du Premier ministre français est sans ambiguïté. « Si la Commission européenne souhaite passer en force en cette fin de semaine et aller au vote, la France votera contre », a déclaré Sébastien Lecornu à l’Assemblée nationale, ce 17 décembre. Une position partagée plus tôt dans la journée par Emmanuel Macron, qui a promis en Conseil des ministres une opposition « très ferme » en cas de tentative d’imposition du texte.

L’accord UE-Mercosur, en négociation depuis plus de vingt-cinq ans, vise à établir une vaste zone de libre-échange avec l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Il permettrait aux industriels européens d’exporter davantage de véhicules, de machines ou de spiritueux vers l’Amérique latine, tout en ouvrant largement le marché européen à la viande, au sucre, au riz ou encore au soja sud-américains.

Mais côté français, l’inquiétude domine. Paris estime que les garanties demandées n’ont pas été obtenues. « Il n’y a pas de visibilité suffisante sur les trois conditions demandées », a indiqué la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon. Les « mesures miroir », la « clause de sauvegarde » et les « contrôles » restent insuffisamment précisés. Sébastien Lecornu a, lui, invoqué une question de « souveraineté alimentaire ». Pour le gouvernement, pas question de brader l’agriculture au profit d’un texte mal encadré.

Rome se joint à la contestation

Le durcissement du ton français n’est pas isolé. À la veille du sommet européen, l’Italie a officiellement demandé un report. La Première ministre Giorgia Meloni a jugé qu’une signature dans les prochains jours serait « prématurée », faute de garanties suffisantes pour le secteur agricole. Rome est désormais en position de former avec Paris, la Pologne et la Hongrie une minorité de blocage capable d’empêcher toute validation du traité cette semaine.

Du côté de la Commission européenne, les signaux d’alerte se multiplient. Ursula von der Leyen espérait encore pouvoir signer l’accord le 20 décembre à Foz do Iguaçu, au Brésil. Mais sans majorité qualifiée — soit 55 % des États membres représentant au moins 65 % de la population — aucun feu vert n’est possible. Cette majorité semble aujourd’hui hors de portée.

L’exécutif européen multiplie les pressions, encouragé par l’Allemagne et l’Espagne, tous deux favorables à une adoption rapide. Mais l’opposition croissante, notamment sur la question agricole, complique chaque jour un peu plus la tâche de Bruxelles.

Une colère agricole qui ne faiblit pas

Pendant ce temps, la contestation enfle sur le terrain. En Belgique par exemple, plusieurs centaines de manifestants ont bloqué l’aéroport de Liège. En France, la colère des agriculteurs se mêle à une crise sanitaire, sur fond de dermatose nodulaire contagieuse. Les syndicats dénoncent un texte qui « mettrait en péril la sécurité alimentaire » et faciliterait l’importation de produits à bas prix, sans garanties suffisantes.

À Bruxelles, la pression monte à l’approche du sommet européen. « Ça risque d’être très chaud », confie un diplomate européen. La France, prudente, refuse de considérer le report comme acquis mais se dit confortée par l’appui de Rome. « La France n’est pas seule », a souligné Maud Bregeon, rappelant que d’autres pays européens partagent les mêmes inquiétudes.

Face à une opinion publique assez méfiante, une profession agricole mobilisée et une Commission en perte d’autorité, la signature du traité Mercosur semble incertaine.