Un rapport interne daté de décembre 2024, consulté par Complément d’enquête (France 2, 25 septembre), révèle l’infiltration massive de la criminalité organisée dans les corps de la police, de la justice et des prisons en France.
Un policier anonyme, présenté dans le documentaire « Police, justice : où sont les nouveaux ripoux ? », confesse avoir renseigné des narcotrafiquants sur des enquêtes pour 2 000 euros mensuels, sans laisser de traces grâce à des puces et téléphones changeants, se disant intouchable.
Ce cas illustre une tendance plus large : selon l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), les forces de l’ordre, vulnérables à la puissance financière des criminels, vendent des données confidentielles via Telegram, avec des consultations de fichiers (TAJ, FPR) monnayées à 50 euros, comme dans l’affaire de Sephora O. et Yassine G., condamnés en 2024.
Le rapport de 152 pages détaille comment les smartphones professionnels Neo, généralisés depuis 2016, facilitent ces fuites, banalisant les échanges d’informations sensibles parmi les nouvelles générations d’agents. Les enquêtes pour détournement de fichiers ont triplé (27 en 2020 contre 93 en 2023, IGPN), et un fichier se vend entre 300 et 500 euros selon l’Office anti-stupéfiants (Ofast).
Des prisons aux tribunaux, une infiltration généralisée
Au-delà de la police, les surveillants pénitentiaires sont particulièrement ciblés, payés 500 à 2 000 euros pour introduire téléphones ou drogues, souvent sous pression sociale ou financière, afin de financer des règlements de comptes. Les greffiers, comme une jeune femme de Meaux modifiant des dossiers sous contrainte, et les agents de greffe sont aussi des cibles prisées, leurs erreurs procédurales alimentant les soupçons.
Le cas rare d’Hélène Gerhards, magistrate mise en examen en 2024 pour trafic d’influence en Corse, montre que même les juges ne sont pas épargnés, soupçonnée d’avoir favorisé Johann Carta en échange de travaux non déclarés. L’OCLCIFF alerte sur une détection insuffisante de cette corruption, liée au narcotrafic, nécessitant une approche méthodique face à des réseaux sophistiqués utilisant des « brokers » et ciblant les vulnérabilités psychologiques ou financières des agents.
Ce scandale, révélé au public, met en lumière un défi structurel pour les institutions régaliennes, dans un climat où la criminalité organisée s’adapte aux outils numériques et exploite les failles humaines.