Le diagnostic de performance énergétique (DPE), pilier de la politique de rénovation énergétique visant la neutralité carbone des bâtiments d’ici 2050, est sous le feu des critiques. Dans son rapport du 3 juin, la Cour des comptes dresse un bilan mitigé de sa mise en œuvre, malgré la réforme de 2021 qui l’a rendu obligatoire, opposable et central dans les transactions immobilières et locatives.
Avec 350 000 DPE réalisés par mois en 2025, contre 120 000 en 2018, et une interdiction progressive de louer les logements classés G (2025) et F (2028), cet outil impacte directement le marché immobilier et les patrimoines des particuliers.
Une réforme mal guidée
La réforme de 2021 a fiabilisé le DPE en unifiant ses calculs, basés sur les caractéristiques physiques des logements, permettant une comparaison objective. Cependant, la Cour évoque des failles : délais contraints de mise en œuvre, absence d’étude d’impact préalable et manque d’articulation avec les règles d’urbanisme ou de copropriété. Les anomalies, détectées dans 70 % des contrôles de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) en 2023, relèvent souvent d’une méconnaissance des règles par les nouveaux diagnostiqueurs, dont le nombre a bondi de 46 % entre 2019 et 2023.
Par ailleurs la Cour évoque une chute de 33 % d’offres locatives, une baisse jusqu’à -20 % sur la valeur des biens et 70 % de diagnostics erronés ainsi qu’un total de 800 millions d’euros de gaspillés par an.
Un bilan qui n’a pas échappé à l’association Contribuables associés qui dénonce : « le DPE est devenu un repoussoir social et économique comme seule l’administration française sait en inventer ».
Des progrès sont notables, comme le renforcement des exigences de formation depuis juillet 2024 et l’harmonisation des pratiques prévue pour 2026. Mais des incertitudes persistent : pressions des propriétaires, manque de documents justificatifs ou temps limité pour les diagnostics nuisent à leur fiabilité.
La Cour recommande par ailleurs l’usage de l’intelligence artificielle pour détecter les incohérences, comme des systèmes de chauffage incompatibles dans un même immeuble, et l’instauration d’une carte professionnelle pour les diagnostiqueurs d’ici 2026.
Le contrôle de la filière, délégué à des organismes tiers, souffre de potentiels conflits d’intérêts, notamment des liens financiers entre organismes de formation et de certification. La Cour appelle à une régulation accrue de l’État pour garantir l’impartialité et restaurer la confiance des usagers, confrontés à des recours limités pour contester un DPE. Sans ces ajustements, l’efficacité du DPE, clé pour orienter les aides comme MaPrimeRénov’ et réduire les 5,5 millions de passoires thermiques, reste compromise.