France

Aide à mourir : la Haute Autorité de Santé rejette un critère central du projet de loi

Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à examiner un texte sur l’aide à mourir dès le 12 mai, la Haute Autorité de santé (HAS) alerte sur l’impossibilité d’évaluer un «pronostic vital à moyen terme». Cet avis fragilise certains critères du projet de loi. Emmanuel Macron appelle à ne pas réduire ce débat à un simple clivage entre vie et mort.

Le débat sur la fin de vie entre dans une phase décisive en France. À partir du 12 mai, les députés entameront l’examen d’une proposition de loi sur l’aide à mourir, au cœur de laquelle figurent des notions complexes comme le « pronostic vital engagé » ou la « phase avancée » d’une maladie incurable. Ces termes, pourtant cruciaux pour définir les bénéficiaires potentiels d’une euthanasie ou d’un suicide assisté, viennent d’être sérieusement remis en question par la Haute Autorité de santé (HAS).

Dans un avis publié ce 6 mai, la HAS affirme qu’il est « impossible de définir objectivement » un pronostic temporel individuel. L’autorité estime que « passer d’un pronostic statistique associé à une maladie à un pronostic individuel est une erreur ». Elle insiste sur l’impossibilité d’estimer avec certitude le temps de vie restant à une personne, compte tenu des nombreux paramètres évolutifs, comme les symptômes physiques, psychiques ou les conditions sociales. Aucun pays européen n’utilise de critère temporel similaire et le Québec y a renoncé après l’avoir expérimenté.

Une nouvelle définition autour de la « phase avancée » 

La HAS préfère la notion de « phase avancée », définie comme « l’entrée dans un processus irréversible » où l’aggravation de l’état de santé affecte la qualité de vie. Cette terminologie s’écarte de la simple anticipation de la mort et met l’accent sur la singularité de chaque malade. Le projet de loi, dans sa version actuelle, s’aligne sur cette approche en remplaçant le critère temporel par celui de « phase avancée ou terminale ».

Olivier Falorni, député MoDem et rapporteur général du texte, a salué l’avis de la HAS. Selon lui, cette position confirme que « garder le critère du moyen terme aurait rendu impossible toute décision » pour les médecins. Cependant, les opposants à l’aide à mourir, comme la présidente de la SFAP Claire Fourcade, jugent au contraire que cette subjectivité introduit des incertitudes dangereuses. Elle craint une multiplication des « conflits d’interprétation » entre patients et soignants.

Emmanuel Macron appelle à la nuance et la prudence

Le texte débattu est le fruit d’un projet lancé par Emmanuel Macron en mars 2024. Après sa suspension due à la dissolution de l’Assemblée, il revient sous forme de deux lois distinctes : l’une sur les soins palliatifs, l’autre sur l’aide active à mourir. Le président français, prenant la parole devant les francs-maçons de la Grande Loge de France le 5 mai, a rappelé la complexité du sujet : « Le débat ne peut être réduit à la question de savoir si on est pour la vie ou contre la vie », a-t-il affirmé. Il a évoqué le choix du « moindre mal » face à certaines situations de fin de vie.

Les députés devront trancher sur des critères stricts : être majeur, souffrir d’une affection grave et incurable, faire l’objet d’un pronostic vital engagé en phase avancée ou terminale, éprouver des souffrances inapaisables, et être capable d’exprimer une volonté libre et éclairée. La HAS insiste malgré tout sur l’importance de considérer la « qualité du reste à vivre ».

Dans un système de santé français désorganisé et marqué par des inégalités dans l’accès aux soins palliatifs, la prudence est de mise. Le ministre chargé de l’Accès aux soins Yannick Neuder a déclaré à l’AFP qu’« il faut avoir encore plus de prudence » avant de franchir un cap aussi lourd de conséquences.