Pour la première fois dans l’histoire de la République française, un président en exercice s’est exprimé devant les membres de la Grande Loge de France. Le 5 mai, Emmanuel Macron a pris la parole dans ce temple maçonnique pour lancer un appel solennel en faveur de la laïcité, à quelques mois des 120 ans de la loi du 9 décembre 1905. Devant les membres, il a affirmé : « Soyez les vigies de cette grande loi de 1905 ».
Le chef de l’État a insisté sur le rôle crucial que doivent jouer les francs-maçons pour défendre cette loi contre ceux qui « veulent l’effacer, la trahir ou la détourner ». Il leur a demandé « d'être les ambassadeurs de la laïcité » et de « démontrer que ce n’est pas une loi d’exclusion mais de réunion ». Emmanuel Macron a martelé : « La France laïque est la fille naturelle de la République », en mettant en garde contre ceux qui exploitent la laïcité pour « s’attaquer aux religions, en particulier au nom de leur prétendue incompatibilité avec les valeurs de la République ».
Contexte politique et tensions autour de l’islam
Cette intervention présidentielle survient dans un contexte de tensions autour de la question religieuse. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, engagé dans la course à la présidence des Républicains, est accusé de durcir la ligne sur la laïcité, en particulier vis-à-vis de l’islam. Il propose notamment d’étendre la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux aux accompagnatrices scolaires et aux compétitions sportives.
Emmanuel Macron a tenu à rappeler les deux grands principes de la loi de 1905 : la « liberté de conscience » et la « neutralité de l’État ». Il a souligné que cette loi « n’est pas un édit de tolérance mais une loi de liberté ». En citant Jean Jaurès, il a présenté cette législation comme un socle républicain commun à tous, ajoutant que « bâtir en commun » nécessite dialogue et compréhension.
Laïcité, fin de vie et offensive idéologique
Le président a aussi profité de l’occasion pour aborder brièvement le projet de loi sur la fin de vie, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Il a affirmé que ce débat ne devait pas être simplifié en une opposition binaire entre vie et mort, mais qu’il fallait « choisir le moindre mal » dans le respect de la dignité humaine.
Enfin, Emmanuel Macron a averti contre les dérives contemporaines du débat public, accusant les réseaux sociaux de « détourner les esprits ». Il a évoqué une « idéologie de haine » venue d’outre-Atlantique, sans citer explicitement les États-Unis.
Dans l’esprit du président, la franc-maçonnerie doit jouer un rôle actif pour préserver l’équilibre républicain. Ce discours s’inscrit dans une stratégie plus large, déjà amorcée lors de son allocution au Grand Orient en novembre 2023, où il avait mis en garde contre « l’effacement » des loges et leur avait demandé de « retrouver le sel » de leur engagement. Le message reste clair : en cette période de fractures sociales, Emmanuel Macron entend utiliser les francs-maçons comme outil pour protéger la cohésion nationale.