France

L’industrie automobile française au bord du précipice

En crise profonde, l’industrie automobile française, portée par Renault et Stellantis, est confrontée à un marché en chute libre et à des réglementations asphyxiantes. Les patrons alertent: sans simplification urgente, des usines risquent de fermer d'ici à trois ans.

L’industrie automobile française traverse une tempête sans précédent qui menace son avenir et des dizaines de milliers d’emplois. John Elkann (Stellantis) et Luca de Meo (Renault), dans un entretien au Figaro, tirent la sonnette d’alarme : le marché européen, en chute de 18 millions de véhicules en 2019 à 15 millions en 2024, pourrait être divisé par deux d’ici à 2035 si rien ne change. En France, avril 2025 a vu les immatriculations plonger de 5,63 %, selon AAA Data, reflétant une crise structurelle aggravée par des réglementations européennes inadaptées et une demande en berne.

Le cœur du problème réside dans l’incapacité à produire des voitures populaires abordables. « Les règles européennes rendent nos voitures plus complexes, plus lourdes, plus chères », déplore de Luca de Meo, soulignant que 92,5 % de l’augmentation de 40 % du coût d’une Renault Clio entre 2015 et 2030 est imputable à la réglementation.

Des normes qui pèsent sur les constructeurs

Des normes comme GSR2, imposant des technologies coûteuses sur les petites voitures, ou des crash-tests inadaptés alourdissent les coûts, rendant les modèles inaccessibles aux ménages. Résultat : les particuliers, qui représentaient 62 % du marché en 2001, n’en pèsent plus que 43 % en 2025, se tournant vers l’occasion (+3,1 % en avril).

La transition électrique, censée être une solution, aggrave la situation. Les ventes de véhicules électriques chutent de 44 % chez les particuliers, freinées par la réduction des aides et des prix prohibitifs. Dans ce marasme, la R5 tient bon et demeure la voiture la plus vendue parmi les électriques.

Si les flottes soutiennent l’électrique (22 % des immatriculations professionnelles), le marché global reste atone. John Elkann critique l’obsession européenne pour le « zéro émission » d’ici 2035, qui ignore les réalités du parc automobile vieillissant (12 ans d’âge moyen). Une neutralité technologique, valorisant hybrides et thermiques modernes, serait plus efficace pour réduire les émissions.

Face à la concurrence chinoise et américaine, qui protègent leurs marchés, l’Europe apparaît désarmée. « Tous les pays défendent leur industrie, sauf l’Europe », fustige Luca de Meo. Les deux patrons réclament une simplification radicale : des règles différenciées pour les petites voitures, des normes appliquées uniquement aux nouveaux modèles, et un guichet unique à Bruxelles pour coordonner des politiques souvent contradictoires. Sans ces réformes, John Elkann prévient : « Dans trois ans, nous devrons prendre des décisions douloureuses pour nos usines ».

La France, avec l’Italie et l’Espagne, doit mener ce combat, insiste John Elkann, ces pays étant les principaux producteurs et acheteurs de voitures populaires.

Carlos Ghosn, ex-patron de Renault, ajoute une note pessimiste, estimant que Renault, redevenu un « petit constructeur européen », doit nouer des alliances pour survivre, notamment avec la Chine. En 2025, le sort de l’industrie automobile française se joue. Sans sursaut politique et industriel, elle risque de devenir un simple marché d’importation, au détriment de son économie et de son identité.