Le groupe chinois Wanhua, via sa filiale hongroise BorsodChem, a été désigné ce 10 avril par le tribunal de commerce de Lyon pour reprendre partiellement l’usine chimique Vencorex, située à Pont-de-Claix près de Grenoble. Cette décision met un terme à plusieurs mois d’incertitude autour de ce site industriel stratégique, notamment pour les filières spatiale et nucléaire françaises. Le repreneur prévoit d’y maintenir seulement 54 emplois sur les 450 que comptait l’usine en septembre 2024. Le prix de cession s’élève à 1,2 million d’euros, avec un engagement d’investissement de 19 millions d’euros d’ici 2027, selon le jugement cité par Le Figaro.
Placée en redressement judiciaire depuis le 10 septembre 2024 à la demande de son actionnaire thaïlandais PTT GC, Vencorex n’aura donc pas été sauvée par son propre personnel. Une contre-offre de reprise sous forme de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), portée en urgence par deux salariés avec le soutien des collectivités locales, a été rejetée. Le tribunal a jugé cette proposition « irrecevable » en raison du manque de garanties sur le financement et de l’impossibilité d’assurer la sécurité du site au-delà de quinze jours, d’après France Bleu.
Un site stratégique bradé sous pavillon étranger
Les réactions locales ont été immédiates. La région Auvergne-Rhône-Alpes a déclaré « prendre acte de cette décision, avec le regret de voir ce fleuron industriel passer sous pavillon étranger ». Selon La Dépêche, cette reprise étrangère est perçue comme un échec du gouvernement à préserver un savoir-faire industriel national, dans un contexte où les enjeux liés à la souveraineté sont au cœur des débats.
L’activité de Vencorex est pourtant essentielle. L’usine produit un sel d’une grande pureté, utilisé dans la fabrication de missiles nucléaires M51 et dans les propulseurs de la fusée Ariane 6. Ce sel est également impliqué dans le refroidissement des centrales nucléaires, souligne France Info. Malgré cela, le ministère de l’Industrie affirme que « l’approvisionnement de Framatome comme d’Ariane est garanti », évoquant des stocks suffisants et des alternatives en cours de qualification.
Mobilisation locale étouffée, inquiétudes persistantes
Plusieurs personnalités politiques, dont Jean-Luc Mélenchon et François Hollande, s’étaient déplacées sur le site ces derniers mois pour soutenir les salariés. La CGT, très impliquée dans le projet de SCIC, estimait que près de 5 000 emplois directs et indirects étaient en jeu dans la vallée de la chimie. « C’est le savoir-faire français liquidé », a réagi Mélenchon sur X, cité par BFM TV.
La décision du tribunal de privilégier une entreprise chinoise, qui est par ailleurs le principal concurrent de Vencorex et accusée d’avoir contribué à sa chute avec des prix cassés, suscite incompréhension et colère. Pour les salariés, c’est une défaite amère. « Nos espoirs ont été douchés », résume France Bleu.
Le maire de Pont-de-Claix, Christophe Ferrari, dénonce un abandon organisé par l’État : « Depuis le début, j’ai l’intime conviction que pour le ministre de l’Industrie, cette affaire était pliée. Il avait mis une croix rouge sur ce dossier en considérant que ce site allait fermer ». Il parle d’un « gâchis » et d’une occasion manquée : « Il y avait de quoi faire fonctionner cette plateforme, les entreprises du territoire et les collectivités étaient prêtes. Mais jamais l’offre portée localement n’a été sérieusement considérée ». Pour lui, « la collectivité territoriale a tout porté » pendant que l’État restait passif. « C’est un monde à l’envers. Nous marchons sur la tête. Il n’y aura plus aucun discours crédible en matière de réindustrialisation de la France. En tout cas, je n’en croirai aucun », a-t-il déclaré dans une prise de parole relayée ce jeudi 10 avril.