«C’est soit un référendum, soit on reprend la guerre». Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, a réagi avec véhémence sur RMC à la censure d’une large partie de la loi d’orientation agricole par le Conseil constitutionnel le 20 mars.
Pour elle, cette censure ravive les tensions apaisées par l’adoption initiale du texte. La FNSEA, bien que moins engagée, déplore un «recul» sur des avancées attendues depuis des années. À l’inverse, les écologistes saluent une «petite victoire». «L’agriculture a besoin de prix rémunérateurs, pas de dérégulation», a déclaré Aurélie Trouvé, députée LFI.
Un texte largement remanié
C’est un coup sévère porté par le Conseil constitutionnel au monde paysan. Saisi par les députés écologistes et de La France insoumise, il a censuré, totalement ou partiellement, près d’un tiers des articles, soit 17 sur 54, dont des dispositions emblématiques. Ce texte, censé répondre à la crise agricole et promouvoir la souveraineté alimentaire, se retrouve amputé de mesures clés, provoquant la fureur des agriculteurs.
Parmi les articles retoqués figure le principe de «non-régression de la souveraineté alimentaire», introduit par les sénateurs pour contrebalancer la non-régression environnementale. Le Conseil l’a jugé «trop équivoque» et susceptible de limiter le pouvoir réglementaire, au vu de la primauté constitutionnelle de la protection de l’environnement. Autre mesure censurée : la présomption de «non-intentionnalité» des atteintes aux espèces protégées, qualifiée d’«imprécise» et contraire au principe de légalité des peines. La «bonne foi» présumée des agriculteurs lors des contrôles, visant à adoucir les inspections de l’Office français de la biodiversité (OFB), a également été rejetée.
La disposition interdisant la «surtransposition» des normes européennes, réclamée par les agriculteurs pour limiter les contraintes sur les phytosanitaires ou les élevages, n’a pas survécu non plus. Le Conseil a estimé qu’elle «méconnaît la séparation des pouvoirs».
Enfin, l’exclusion des bâtiments agricoles du calcul de l’artificialisation des sols, un «cavalier législatif» selon les Sages, a été supprimée. Ces censures, pour motifs de fond ou de forme, fragilisent un texte déjà critiqué pour son virage productiviste sous l’influence de la FNSEA.
Malgré ces coupes, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, s’est voulue rassurante : «L’essentiel des mesures concrètes pour les agriculteurs a été validé». Elle cite la reconnaissance de l’agriculture comme «intérêt général majeur» ou le principe «pas d’interdiction sans solution» sur les phytosanitaires, tous deux maintenus. «Les censures sont essentiellement liées à des motifs de forme», a-t-elle ajouté, promettant des ajustements réglementaires rapides.