La crise diplomatique entre la France et l’Algérie franchit un nouveau cap. Lundi 17 mars, le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, a décidé de «suspendre» les accords de 2007 permettant aux détenteurs de passeports diplomatiques algériens d’entrer en France sans visa. Cette mesure, qualifiée de première étape d’une «riposte graduée», intervient après le refus catégorique d’Alger d’accepter une liste de soixante ressortissants jugés dangereux que Paris souhaite expulser.
Une nouvelle étape dans l’escalade des tensions entre Paris et Alger
Le ton monte depuis plusieurs semaines entre les deux capitales, alimenté par des différends sur l’immigration et des contentieux diplomatiques, comme la détention de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal ou l’attentat de Mulhouse perpétré par un Algérien sous obligation de quitter le territoire (OQTF). Lundi, le ministère algérien des Affaires étrangères a dénoncé un «rejet catégorique des menaces, velléités d’intimidation, injonctions et ultimatums» de la France, accentuant l’impasse.
«Cela signifie qu’Alger ne respecte pas l’accord de 1994», a déploré Bruno Retailleau sur France Inter, faisant référence à un texte bilatéral obligeant l’Algérie à reprendre ses ressortissants. Sur X, il a ajouté : «Je regrette que l’Algérie refuse d’appliquer le droit international». La suspension des accords de 2007, signés sous Nicolas Sarkozy pour exempter de visa les diplomates algériens pour des séjours de moins de 90 jours, vise à frapper les élites du régime d’Abdelmadjid Tebboune. Une source proche du dossier confie que cette mesure cherche à «dénoncer les privilèges du pouvoir algérien par rapport à son peuple».
Cette escalade divise la classe politique française. Christian Estrosi, maire de Nice, soutient Retailleau mais appelle à aller plus loin : «Il faut remettre en cause les accords de 1968», un texte facilitant l’immigration algérienne.
Emmanuel Macron prône de son côté une renégociation plutôt qu’une dénonciation des accords de 1968. Gérald Darmanin, ministre de la Justice, se dit «tout à fait favorable» à la riposte graduée, proposant même de «rappeler notre ambassadeur» et de «mettre fin aux passeports diplomatiques».
À l’inverse, il tacle Marine Le Pen, qui exige un gel immédiat des visas, en soulignant que «le principe de la riposte graduée, c’est qu’elle soit graduée».
Côté algérien, la réponse ne s’est pas fait attendre. Alger a convoqué l’ambassadeur français pour remettre en question les avantages immobiliers accordés à la France, comme la résidence de l’ambassadeur, «louée au franc symbolique». La crise, déjà marquée par une baisse de 28 % des visas délivrés aux Algériens en janvier 2025, risque de s’envenimer.