L’agriculture française est à un tournant. Selon un rapport prospectif publié le 6 mars 2025 par le Bureau T et le Groupe Scet, filiale de la Caisse des dépôts, près de 42% de la surface agricole utile (SAU) serait en danger d’ici 2050. Ce chiffre alarmant, accompagné d’une possible chute de 35 à 40% du PIB agricole, dresse un portrait sombre d’un secteur confronté à des défis multiples : changement climatique, perte de compétitivité et évolutions démographiques. Cinquante-quatre départements seraient particulièrement vulnérables, exposés à une «profonde transformation» de leurs pratiques agricoles.
Facteurs climatiques et lacunes structurelles
Pour arriver à ces conclusions, les rédacteurs ont analysé 24 productions végétales à l’échelle départementale, en croisant des données sur le climat, la demande, les conditions de production ou encore la réglementation. Des cultures emblématiques sont pointées du doigt : le maïs du Sud-Ouest, menacé par la raréfaction de l’eau, les pommes de Normandie, fragilisées par le vieillissement des exploitants, ou encore le colza du Centre-Val de Loire, sous pression climatique. Ces exemples illustrent des vulnérabilités territoriales spécifiques, amplifiées par des facteurs globaux comme la hausse des températures, l’assèchement des sols et les aléas climatiques extrêmes.
Le rapport met aussi en lumière des menaces structurelles. La perte de compétitivité, liée à des exportations difficiles et à des chaînes de valeur mal adaptées, s’ajoute à la «déprise agricole», marquée par des transmissions compliquées et un manque de main-d’œuvre. Les coûts de production élevés, l’inflation pesant sur les ménages et une réglementation de plus en plus complexe viennent encore fragiliser le secteur. Mais le changement climatique reste le spectre dominant, avec des précipitations imprévisibles et une ressource en eau sous tension, cruciale pour des cultures exigeantes.
Face à ce scénario «sans évolution majeure», deux voies sont esquissées. Le premier, un «scénario de marché», mise sur des exploitations de type «firmes», privilégiant soit la production de masse à bas coût, soit des filières à forte valeur ajoutée avec des volumes limités. Le second, axé sur la «planification écologique», place l’agriculture au service des écosystèmes : réduction des émissions de CO2, maîtrise publique du foncier et développement de circuits courts portés par les collectivités. Ces visions, bien que polarisées, ne s’excluent pas totalement. Le rapport insiste : l’avenir dépendra de l’équilibre trouvé entre ces modèles.
Alors que la SAU risque de se réduire drastiquement, la France est appelée dans le rapport à repenser son modèle agricole pour conjuguer changement climatique et viabilité économique et écologique.