En France, une contamination de l’eau potable par le chlorure de vinyle monomère inquiète de plus en plus d’experts et de citoyens. Ce gaz, présent dans les canalisations en PVC installées dans les années 1970, est classé cancérogène «certain» depuis 1987. Selon une enquête publiée par La Voix du Nord et Le Nouvel Obs, plusieurs centaines de milliers de personnes y seraient exposées, notamment en Normandie et en Nouvelle-Aquitaine.
Dans la commune de Châtenoy, dans le Loiret, les habitants ont découvert avec stupeur que l'eau du robinet contenait du CVM à des taux supérieurs à la norme européenne. La situation est d'autant plus préoccupante qu'aucune information ne leur avait été communiquée pendant des années. «Depuis trois ans, et peut-être plus longtemps, notre eau est impropre et dangereuse pour nous et notre fille, mais nous continuons de la payer !» s’indigne Émilie Hue, une habitante de la commune, interrogée par La Voix du Nord. Lassés des promesses de travaux non tenues par le Syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable, elle et son mari ont saisi la justice.
Leur avocate, Me Gien, spécialisée en droit de l’environnement, estime que l’État porte une lourde responsabilité dans cette affaire. Dans une déclaration au Nouvel Obs, elle explique que ce recours «vise à faire reconnaître la responsabilité de l’État, les négligences fautives du ministère de la Santé, mais aussi le préjudice des usagers qui se sentent abandonnés». L’avocate souligne que les autorités n’ont jamais respecté la directive européenne de 1998, qui fixe à 0,5 µg/l la valeur maximale de CVM dans l’eau potable. Pourtant, l’État aurait dû se mettre en conformité dès 2003.
Selon Sud Ouest, le chercheur Gaspard Lemaire, enseignant en droit de l’environnement à Sciences Po, qualifie cette situation de «scandale sanitaire majeur». Il a analysé les données des Agences régionales de santé et identifié des dépassements massifs des seuils autorisés, notamment en Dordogne. Un article du journal Le Monde révèle que dans la commune de Val-de-Louyre-et-Caudeau, un taux de CVM 1 400 fois supérieur à la norme a été enregistré en juillet 2022. Entre 2014 et 2023, plus de 6 400 dépassements des seuils de qualité de l’eau ont été recensés dans plusieurs régions françaises.
Face à l’ampleur du problème, le ministère de la Santé admet sur son site officiel que «seuls des travaux sur les canalisations concernées permettent de garantir une conformité durable vis-à-vis du CVM». Pourtant, peu de mesures concrètes ont été mises en place. Sud Ouest indique que, selon différentes sources, entre 15 % et 30 % du réseau d’eau potable français, soit jusqu’à 340 000 km de canalisations, seraient concernés par cette pollution.
Me Gien a lancé une plateforme nationale pour recenser d’autres victimes, probablement présentes partout en France. Plusieurs procédures judiciaires sont en cours, notamment contre des fournisseurs d’eau accusés de ne pas avoir informé les consommateurs et de ne pas avoir distribué une eau potable conforme aux réglementations.