France

Hausse de la précarité chez les séniors : la France bientôt «une fabrique de vieux pauvres» ?

Dans une enquête révélée ce 30 septembre, l’association Les Petits frères des pauvres alerte sur la hausse de la précarité financière chez les séniors. Une tendance qui concerne tout particulièrement les 65-74 ans. Le directeur de l'association s'inquiète sur le risque que la société française puisse «devenir une fabrique de vieux pauvres».

«En 2024, on estime à environ deux millions les personnes de 60 ans et plus qui vivent sous le seuil de pauvreté». C’est le constat amer dressé en France par l’association Petits Frères des Pauvres, à l’occasion de la publication de son rapport annuel consacré aux anciens. Un rapport qui parait, chaque année, la veille du 1er octobre, journée internationale des personnes âgées.

Dans un document de 168 pages, réalisé à partir d'une étude CSA Research et financé par la fondation des Petits Frères des Pauvres ainsi que la Caisse nationale d'assurance retraite (CNAV), l’association fait état de «constats alarmants» et propose des pistes de solutions aux pouvoirs publics pour faire face au phénomène.

Une pauvreté qui progresse «après s’être stabilisée pendant plusieurs années»

Petits Frères des Pauvres dégage ainsi trois «enseignements clés» de son rapport avec, tout d’abord, 69% des personnes âgées pauvres ayant connu au moins «une privation» (restaurants, déplacements, vacances, chauffage) au cours de l’année écoulée.

Vient ensuite la répartition géographique de cette précarité des personnes âgées, dont la plupart d'entres elles déclarent se sentir plus abandonnées en zones rurales (42%) qu'en milieu urbain (35%).

Interrogée dans le rapport, Nathalie Gemza, coordinatrice du développement social des Petits Frères des Pauvres du département de la Nièvre, s'est déclarée «interloquée par le sentiment d’abandon éprouvé au sein de la société, particulièrement en territoires ruraux» et a dénoncé une «double peine pour ces habitants qui traversent des difficultés et qui se trouvent punis d’être éloignés des services, des lieux d’information, des professionnels à saisir…»

Le troisième enseignement clé réside dans le manque d’aide et d’information puisque 58% des personnes interrogées s’estiment mal informées sur les aides existantes et une sur deux déclare ne disposer d’aucune aide. 31% souhaiteraient même être accompagnées pour connaître leurs droits.

Au-delà de ces chiffres, l'association s'alarme de la progression de la précarité. Après s’être stabilisé pendant plusieurs années autour de 8%, le taux de pauvreté des personnes âgées est en hausse depuis 2015 selon les chiffres de l'INSEE, pour atteindre les 11%. Un chiffre qui grimpe jusqu’à 18% pour les aînés vivant seuls. La catégorie des 65-74 ans est particulièrement concernée.

Le taux de pauvreté passe ainsi de 5,9% en 2016 à 10,6% en 2022, soit près du double. Cette catégorie demeure toutefois mieux lotie que le reste de la population française, où le taux de pauvreté était la même année de 14,4%.

«Voulons-nous que notre société devienne une fabrique de vieux pauvres ?»

Le document préconise des solutions «contre la pauvreté des aînés». Outre le pouvoir d’achat ou encore la revalorisation du minimum vieillesse qui se trouve aujourd’hui à 1012€ soit 200€ inférieur au seuil de pauvreté, le rapport propose de renforcer l’accès aux droits.

Un problème majeur, selon le directeur de la CNAV, cité dans le rapport, qui souligne «un fait paradoxal mais connu : plus on est pauvre, moins on sollicite ses droits» et de citer «58 % des personnes de 60 ans et plus en situation de pauvreté ne bénéficient d’aucune aide et se sentent mal informées sur les différentes aides pouvant être sollicitées.»

En conclusion du rapport, le directeur général Petits Frères des Pauvres, Yann Lasnier s'interroge : «voulons-nous que notre société devienne une fabrique de vieux pauvres ?» et de commenter : «c’est évidemment l’inacceptable question que je me pose, que je vous pose». Pour ce dernier «notre société n’arrive plus à contenir et encore moins à résorber la pauvreté des aînés les moins privilégiés».