Pour Jean-Michel Blanquer, ex-ministre de l'Éducation nationale (2017-2022), Emmanuel Macron a «une grande intelligence, une très forte puissance de travail, du dynamisme et de la créativité», mais, en même temps, «il ne déteste pas non plus les coups tordus». Tels sont ses propos dans un entretien au Point, paru ce 29 août.
La formule du «en même temps», de l'actuel président français, a marqué ses anciens ministres qui lui rendent désormais la pareille. Dans un ouvrage autobiographique intitulé La Citadelle : au cœur du gouvernement (Éditions Albin Michel), paru le 28 août, l’ancien ministre se livre sur ses années rue de Grenelle et n’épargne pas Emmanuel Macron.
«Après deux ans de silence, je suis heureux de rétablir des vérités, d’analyser notre situation démocratique et de proposer des perspectives», a-t-il lancé ce 29 août sur les réseaux sociaux, à l'occasion de la parution de son ouvrage.
Pour la promotion de son livre, l’ancien ministre ne s’en tient pas à ses cinq années passées au gouvernement, il évoque également l’actualité du moment et la dissolution de l’Assemblée nationale. Aux yeux de Jean-Michel Blanquer, interrogé par l'hebdomadaire, le président a fait un «usage incongru» de la dissolution et «se crée à lui-même» des problèmes «évitables».
Emmanuel Macron à l’origine d’une situation «mortifère»
L'ex-ministre estime par ailleurs qu’«il y a un bon et un mauvais "en même temps" dans la personnalité du président» français. Il dépeint également Emmanuel Macron comme un homme qui «aime écouter les conseillers du soir plutôt que les ministres du jour et se crée à lui-même des problèmes».
Selon Jean-Michel Blanquer, le locataire de l'Élysée a provoqué «l'abaissement des forces de gouvernement de droite comme de gauche au bénéfice des extrêmes», provoquant une situation «mortifère».
Dur avec le chef de l'exécutif tricolore, l'ancien ministre a ainsi affirmé dans la matinale d’une radio nationale que le chef de l’État n'avait «jamais été complètement» sur sa propre ligne «très républicaine» et que «s'il s'était tenu sur cette ligne, il aurait une majorité absolue» après les législatives. Il a par ailleurs ajouté, concernant l’usage de la dissolution : «Vous ne pouvez pas utiliser la Constitution comme un contrat avec lequel vous faites des coups à vos adversaires.»
Ministre en disgrâce, «trahison» du président
Dans son ouvrage, l’ancien ministre de l’Éducation, devenu président de l’école Terra Academia et du Laboratoire de la République, évoque des accrochages qu’il a pu avoir avec des proches d'Emmanuel Macron. Ainsi, le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, qui avait été mis en examen en 2022 pour «prise illégale d’intérêt», est décrit comme «méprisant» envers les professeurs qu’il considérerait, selon lui, comme des «gauchistes paresseux». Le même Kohler qui, aux dires de Blanquer, l'aurait «bloqué» lorsqu'il entendait augmenter les enseignants via une loi de programmation.
Il déclare en outre qu’en 2020, à l'occasion de l'arrivée de Jean Castex à Matignon, Emmanuel Macron souhaitait le voir devenir ministre de l’Intérieur, mais que l’ancien socialiste Richard Ferrand, très proche du président, s'y était opposé en raison de ses «positions jugées trop raides» face à «l'islamisme fondamentaliste» et par crainte d’un impact négatif sur «l'électorat musulman».
Évincé du gouvernement en 2022, Jean-Michel Blanquer affirme être victime d'une «forme de disgrâce», et d'une «amnésie masochiste du président». «Lorsque vous vous battez comme un gladiateur et qu'en vous retournant vous voyez l'empereur le pouce baissé […] vous pouvez ressentir une forme de trahison», conclut-il.
Ministre pendant toute la durée du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, Jean-Michel Blanquer a été remplacé par Pap Ndiaye, qui resta un peu plus d’un an, puis par Gabriel Attal, moins de six mois, et enfin Amélie Oudéa-Castera, dont le passage express ne dura que 28 jours. Depuis six mois, c'est l'ancienne garde des Sceaux (2019-2020) Nicole Belloubet qui siège rue de Grenelle.