«Emmanuel Macron propose de faire barrage à LFI, qu’il a contribué à faire élire il y a trois jours […] Ce cirque devient indigne.» La réaction de l’ancienne candidate à l’élection présidentielle Marine Le Pen a été cinglante après la publication de la lettre du président de la République dans la presse régionale le 10 juillet.
Emmanuel Macron a troqué ses habituels rendez-vous télévisés pour le style épistolaire et s’est attiré les foudres de la classe politique, à droite comme à gauche. Un courrier dans lequel le président demande aux «forces républicaines», sans les nommer, de former une coalition.
Jean-Luc Mélenchon a vu dans cette missive présidentielle «le retour du droit de veto royal sur le suffrage universel». Et d’ajouter que le chef de l’État «prétend donner du temps pour former une autre coalition par magouilles après les élections». Pour le fondateur des Insoumis, « c'est le retour des intrigues de la IVe République».
«Une forme de déni», selon Roussel
Interrogé à propos du courrier présidentiel le 10 juillet en fin d’après-midi, le secrétaire général du Parti communiste français Fabien Roussel a évoqué «une forme de déni». Et de ponctuer son propos par une formule lapidaire : «Les Français ont déjà répondu à sa lettre. Ils lui ont même envoyé un accusé de réception : ils ont voté ! Terminé.»
Également dans les rangs du Nouveau Front populaire, Sandrine Rousseau, députée écologiste, a repris le vocable d’Ancien Régime de Jean-Luc Mélenchon, évoquant une «lettre de cachet au peuple pour lui dire... qu'il s'en fiche». La secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, a pour sa part demandé au président «qu’il tire maintenant les conséquences de son résultat». Le secrétaire général du Parti socialiste Olivier Faure s’est lui montré moins dur mais a néanmoins renvoyé le président dans les cordes en affirmant sur France 2 : «Le peuple français a parlé, il faut maintenant respecter son choix.»
Côté syndicats, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a appelé le président sur LCI à «sortir du déni» et les militants de gauche à «rejoindre ces rassemblements pour mettre l'Assemblée nationale sous surveillance».
Les Républicains tournent le dos au président
Très critiqué à gauche, le président n’a pas séduit pour autant à droite, alors que certains appelaient à la nomination d’un Premier ministre de droite, à l’image de l’ancien président du groupe LR à l’Assemblée Olivier Marleix et même du maire de Meaux Jean-François Copé.
Le ton a changé avec l’arrivée d’un nouveau président de groupe au Palais Bourbon en la personne de Laurent Wauquiez, qui dirige désormais un groupe nommé «La Droite républicaine». Ce dernier, également président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et à qui l’on prête des ambitions présidentielles, a répondu indirectement au courrier du président. Sur le perron de l’Assemblée devant son équipe parlementaire, il a ainsi déclaré : «Nous refusons le blocage de nos institutions et proposerons, à l'Assemblée nationale, un pacte législatif», tout en précisant immédiatement : «Nous ne participerons à aucune coalition gouvernementale.» Le chef de file du groupe LR à l’Assemblée a également précisé qu’il s’opposerait «à tout gouvernement du Nouveau Front populaire» et qu’en cas d’inclusion d’éléments de La France insoumise, un tel exécutif serait exposé au «vote d'une motion de censure».
Le troisième personnage de l’État, le président du Sénat Gérard Larcher a quant à lui pris ses distances avec le président, estimant qu’il avait fait «une erreur» en ordonnant cette dissolution avant les Jeux olympiques. Il a plaidé pour que le changement de Premier ministre ait lieu «au début du mois de septembre», tout en affirmant qu’il appellerait à censurer un Premier ministre qui serait issu des rangs du Nouveau Front populaire.
Cette coalition de gauche a créé la surprise le 7 juillet, obtenant entre 190 et 195 sièges, suivi du camp présidentiel (160 élus) et du RN (143 députés). La majorité absolue est néanmoins fixée à 289 sièges.
Pour l’heure, le parti présidentiel hésite entre la gauche et la droite, tandis que la gauche, unie aux législatives, peine désormais à trouver une personnalité en mesure de briguer Matignon.