«Les magistrats rétablissent un délit d'opinion tombé en désuétude depuis la guerre d'Algérie, à savoir la démoralisation des armées, pour mettre en détention les auteurs d'inscriptions anodines», ont dénoncé ce 23 juin auprès de l’AFP Mes Louis Gloria et Emanuel de Dinechin. Selon les avocats, les suspects ne devraient être passibles «tout au plus» que d'une amende pour «dégradations légères».
Leurs clients, deux ressortissants moldaves, ont été arrêtés le 18 juin à Paris, et sont accusés d’avoir tagué des cercueils au pochoir et à la peinture rouge, et écrit sur les façades du Figaro et de l’AFP «Stop the Death, Mriya, Ukraine» (en Ukrainien, «mriya» veut dire «rêve»).
Ils ont été inculpés et placés en détention le 22 juin pour «dégradations et participation à (une) entreprise de démoralisation de l'armée en vue de nuire à la défense nationale en temps de paix». L’enquête avait été ouverte initialement pour «dégradation en réunion» et «association de malfaiteurs». Ils auraient affirmé, selon des sources policières françaises, avoir été payés une centaine d’euros pour dessiner ces tags.
Un motif inconstitutionnel ?
«D'après la doctrine», l’infraction retenue «est inconstitutionnelle pour au moins deux raisons: elle méconnaît la liberté d'opinion et d'expression et se fonde sur un élément qu'il est impossible de mesurer objectivement, à savoir le moral des troupes françaises», ont estimé les avocats, qui veulent contester «jusqu’au bout» cette décision.
«Qu'aurait dit la presse occidentale si le pouvoir russe avait emprisonné des colleurs d'affiches contenant des messages anti-guerre en Ukraine ?», interrogent-ils aussi.
Cette affaire intervient après celle des faux cercueils découverts au pied de la Tour Eiffel, le 1er juin dernier. Cinq cercueils, parés d’une banderole portant l’inscription «Soldats français morts en Ukraine» avaient été découverts au pied de la Dame de fer. Trois personnes ont été placées en garde à vue et une enquête pour «violences avec préméditation» a été ouverte.
Le porte-parole du Kremlin avait dénoncé dans la foulée une «campagne russophobe dans les médias», soulignant que la Russie n'interférait pas en France. L'ambassade de Russie à Paris avait exprimé sa «vive protestation contre une nouvelle campagne russophobe déclenchée dans les médias français», fustigeant une «hystérie» qui menace les citoyens russes en France.