«Les déclarations faites hier par le ministère français des Affaires étrangères sont totalement scandaleuses», a fustigé ce 10 novembre Alexeï Mechkov, l'ambassadeur de Russie en France, cité par RIA Novosti. «Nous pensons que ce type d'action vise à aggraver encore les relations franco-russes déjà difficiles», a poursuivi le diplomate auprès de l’agence de presse.
La veille, dans un communiqué publié sur son site, le ministère français des Affaires étrangères avait dénoncé une «nouvelle opération d’ingérence numérique russe contre la France». «La France condamne avec fermeté l’implication du réseau russe Recent Reliable News (RRN/Doppelgänger) dans l’amplification artificielle et la primo-diffusion sur les réseaux sociaux des photos des tags représentant des étoiles de David dans le 10e arrondissement de Paris», indique la même source.
Dans son communiqué, le Quai d’Orsay relate que le service VIGINUM aurait «détecté […] l’implication d’un réseau de 1095 bots sur la plateforme X (ex-Twitter), ayant publié 2589 posts contribuant à la polémique». «VIGINUM considère avec un haut degré de confiance que ces bots sont affiliés au dispositif RRN dans la mesure où une de leurs activités principales consiste à réorienter vers des sites internet du dispositif RRN», développe le document. Des bots dont les premières publications, selon VIGINUM, seraient survenues «près de 48 heures avant» ce qui «semble» être la première «publication authentique» des photos des tags.
Paris veut accuser l'étranger de ses problèmes internes selon Zakharova
«Non, il n'y a pas eu d'influence extérieure, ce n'est pas une diversion ou une provocation», avait réagi le 8 novembre, peu avant la publication de ce communiqué français, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. Ces accusations sont «stupides, un non-sens absolu et tout simplement indignes», avait-elle fustigé lors d'une conférence de presse, assurant qu'il s'agissait d'une «tentative, apparemment, des autorités françaises ou de leurs services de renseignement, de prétendre simplement que la montée de l'antisémitisme en France est d'une autre nature qu'interne».
«Nous attendons une enquête approfondie», a déclaré pour sa part l’ambassadeur russe ce 10 novembre, soulignant que ses services n’avaient pas été contactés par les autorités françaises. «De plus, les Français ont déjà des personnes impliquées dans cette affaire qui ne sont pas d'origine russe», a-t-il ajouté.
Le ministère public ignore si les tags visent à offenser les Juifs ou à louer Israël
Le 7 novembre, Franceinfo relatait avoir appris de «source proche de l’enquête» que les enquêteurs «envisageaient la piste d’une tentative de déstabilisation venue de Moscou». Une semaine plus tôt, le 1er novembre, était annoncée l’arrestation d’un couple de Moldaves en situation irrégulière pour avoir tagué au pochoir une quinzaine d’étoiles de David – symbole de la religion juive et de l'Etat d'Israël – sur des murs dans le 10e arrondissement de la capitale. Ces deux individus, interpellés le 27 octobre, ont «déclaré avoir commis cette infraction sur la commande d'un tiers» selon le parquet de Paris. Un commanditaire qui, selon Europe 1, serait «en Russie».
Le 31 octobre, le parquet a annoncé l’ouverture d’une enquête après la découverte le jour même de dizaines d’étoiles de David taguées au pochoir sur des façades d’immeubles dans le 14e arrondissement de Paris ainsi qu’en banlieue parisienne. Selon le préfet de Police de Paris Laurent Nunez, qui évoque une affaire «un peu atypique», «jusqu’à 250 étoiles» auraient été taguées dans la nuit du 30 au 31 octobre. Là aussi un couple serait «recherché», selon des médias français.
Le ministère public a néanmoins précisé ne pas savoir si ces tags avaient «pour but d'insulter le peuple juif ou d'en revendiquer l'appartenance, notamment puisqu'il s'agit de l'étoile bleue» couleur du drapeau israélien et non jaune comme celle dont le port était imposé aux Juifs par les nazis afin de les stigmatiser. Quant aux deux Moldaves interpellés pour les tags dans le 10e arrondissement, qui encourent jusqu’à 4 ans de prison et 30 000 euros d’amende, ils ont été conduits en centre de rétention administrative en vue d’être expulsés. En raison de cette «sanction d'une autre nature», l’enquête a fait l'objet d'un classement sans suite.