A l’occasion de la sortie de son rapport, ce 10 juillet, la Cour des comptes a révélé de très nombreux dysfonctionnements sur «le recours de l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil».
Le document s’articule autour de trois chapitres à charge, évoquant l’opacité de la pratique, un «pilotage ministériel mal assuré» et une mauvaise gestion des marchés de conseils. Les ministères du Travail, de l’Education nationale et celui de l’Ecologie, mais aussi des institutions comme Pôle emploi et l’Afpa (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) ont même été dans l’incapacité de présenter «de manière rapide, précise et fiable» les documents relatifs aux marchés passés avec des cabinets de conseil pour la période 2015-2022.
Les oppositions et le monde associatifs affligés
L’Etat a eu recours de «manière croissante au cours des dernières années aux services de cabinets privés». Le rapport de la Cour des comptes évoque même des dépenses qui ont triplé entre 2017 et 2021 sans aucune «explication [...] cohérente».
Le sujet est délicat dans l’hexagone, surtout après l’onde de choc provoquée par la parution en mars 2022 d'un rapport d'une commission d'enquête sénatoriale. Celle-ci épinglait non seulement le coût croissant pour les finances publiques du recours aux cabinets de conseil, mais accusait également les entités françaises de McKinsey de s’être soustraites à l’impôt sur les sociétés durant près d’une décennie grâce à un recours «caricatural» à l’optimisation fiscale. Ce nouveau rapport de la Cour des comptes n’a ainsi pas manqué de susciter ce 10 juillet de vives critiques dans les rangs des oppositions.
Ainsi, l’eurodéputée Mathilde Androuët n’a pas hésité à dénoncer un «système de copinage coûteux et malsain» quand la députée Nupes/Générations Sophie Taillé-Polian dénonçait pour sa part un «désastre financier» et une «fuite des compétences». L’association Anticor, qui a récemment vu l’État remettre en cause son agrément, rappelle qu’elle avait alerté la Cour des comptes sur ce sujet il y a un an.
Cabinets de conseil : le boulet d’Emmanuel Macron
Déjà mis en cause en 2015 et en 2021 par la Cour des comptes, l’Etat français persiste dans son usage des cabinets. Pour l’exercice 2021, il était question de 230 millions d’euros de factures (hors informatique) auprès d’entreprises privées de conseil. Aujourd’hui, le rapport montre que des progrès ont été constaté, avec une diminution des dépenses, mais l’État demeure gourmand en la matière, préférant notamment faire «appel à des cabinets pour remplir des tâches qui devraient l’être par des agents publics».
Les ministères ayant le plus recours à ces services externes sont, dans l’ordre décroissant : l’écologie, l’Intérieur, l’Économie puis la Santé et les Armées. Si le recours aux cabinets n’est pas nouveau, le rapport montre qu’il connaît un pic sous la présidence Macron.
Représentant une part infime de la dépense de l’Etat avec 0,04 % en 2022, ce recours aux cabinets de conseil demeure très impopulaire. Les cabinets demeurent toutefois bien moins sollicités en France qu’en Allemagne, pays de l’Union européenne le plus dépensier en la matière. Outre-Rhin, ce recours aux cabinets a aussi engendré son lot de scandales, impliquant par exemple l’actuelle présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen quand elle était à la tête du ministère allemand de la Défense.
Face à un phénomène accentuant la défiance des citoyens, le pouvoir politique pourrait être tenté de légiférer sur l’usage des cabinets. Ainsi, la sénatrice communiste Eliane Sassi et le sénateur de l’Alliance centriste Arnaud Bazin, respectivement rapporteur et président de la Commission d’enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, ont publié un communiqué ce 10 juillet réclamant une loi pour encadrer ces activités privées.