France

Troisième nuit d'émeutes à travers la France : 249 policiers et gendarmes blessés, selon Darmanin

Dégradations de bâtiments publics, pillages et heurts ont encore secoué dans la nuit du 29 au 30 juin de nombreuses villes françaises après le drame de Nanterre. Emmanuel Macron va écourter sa présence à Bruxelles et diriger une cellule de crise.

Le président français Emmanuel Macron a convoqué ce 30 juin une nouvelle réunion de crise après une troisième nuit consécutive de violences urbaines déclenchées par la mort d'un adolescent tué par un policier, qui a été inculpé depuis pour homicide volontaire et placé en détention. Le chef de l'Etat devrait écourter sa présence à Bruxelles, où il se trouve depuis le 29 juin pour un sommet européen, afin de regagner Paris et de diriger une cellule interministérielle à 13h.

Dégradations de bâtiments publics, pillages et échauffourées sporadiques ont encore secoué dans la nuit du 29 au 30 juin de nombreuses villes en région parisienne et en province après le drame.

Quelque 667 personnes ont été interpellées au niveau national, a indiqué ce 30 juin le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, avant de préciser que 249 policiers et gendarmes avaient été blessés durant les heurts. Son entourage avait précisé au cours de la nuit qu'une grande partie des personnes arrêtées étaient âgées de 14 à 18 ans.

«Cette nuit, nos policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers ont encore fait face, avec courage, à une rare violence. Conformément à mes instructions de fermeté, ils ont procédé à 667 interpellations», a tweeté Darmanin.

Nahel, 17 ans, a été tué par un tir au thorax lors d'un contrôle routier mené par deux motards de la police, après un refus d'obtempérer à Nanterre, à l'ouest de Paris. En France, l'âge minimum pour conduire légalement est de 18 ans. Selon une vidéo authentifiée par l'AFP, un des deux policiers le tenait en joue, puis a tiré à bout portant.

La mort de l'adolescent avait déjà entraîné deux nuits de violences en France, notamment en région parisienne, et les services de renseignement craignent à présent une «généralisation» des violences.

«Quasiment toutes les communes» du 93 touchées

Dans le département de Seine-Saint-Denis, au nord-est de Paris, «quasiment toutes les communes» ont été touchées, souvent par des actions éclairs, avec de nombreux bâtiments publics pris pour cible comme la mairie de Clichy-sous-Bois, selon une source policière. 

A Paris même, les célèbres Halles et la rue de Rivoli qui mène au musée du Louvre ont vu certains de leurs commerces et magasins «vandalisés», «pillés voire incendiés», a détaillé un haut-gradé de la police nationale.

Au moins trois villes proches de la capitale ont décidé d'instaurer un couvre-feu, parfois sur plusieurs jours, sur tout leur territoire ou certains quartiers seulement, pour tous ou pour les mineurs uniquement.

Clamart, près de Paris, et Compiègne, au nord de la capitale, ont ainsi instauré cette mesure de 21h à 6h du matin. En région parisienne, bus et tramways ont cessé de circuler à 21h.

A Marseille, deuxième ville de France, la devanture d'une bibliothèque municipale a été endommagée, selon la mairie. Et dans le célèbre quartier du Vieux-Port donnant sur la Méditerranée, des échauffourées ont opposé les forces de l'ordre à un groupe de 100 à 150 personnes. 

A Pau (sud-ouest), un cocktail molotov a été jeté sur le commissariat de police, a informé la préfecture du département. A Lille (nord), la mairie d'un quartier populaire du sud a été incendiée et une autre, dans l'est, a été caillassée, selon l'hôtel de ville.

Les brasiers se sont multipliés à Roubaix, commune pauvre au nord-est de Lille, sous les sirènes des pompiers et le projecteur d'un hélicoptère de la police. «En deux jours, ils ont fait ce que les Gilets jaunes ont fait en deux ans», a commenté un passant. 

Le gouvernement avait annoncé la mobilisation le 29 juin de 40 000 policiers et gendarmes, dont 5 000 à Paris (contre 2 000 la nuit précédente).

Selon une source policière, le Raid et le GIGN, unités d'élite d'intervention respectivement de la police et de la gendarmerie, ont été déployés dans de grandes villes du pays telles que Toulouse (sud-ouest), Marseille (sud-est), Lyon (sud-est), Lille (nord) ou encore Bordeaux (sud-ouest).

Le policier inculpé

Le gouvernement a assuré que le déclenchement de l'état d'urgence, réclamé par certaines voix de la droite politique, n'était «pas une option envisagée aujourd'hui». L'affaire a relancé la controverse sur l'action des forces de l'ordre en France, où un nombre record de 13 décès a été enregistré en 2022 après des refus d'obtempérer.

«Je n'en veux pas à la police, j'en veux à une personne : celui qui a enlevé la vie de mon fils», a déclaré Mounia M., la mère de l'adolescent, dans une interview diffusée dans la soirée du 29 juin sur France 5. «Le parquet considère que les conditions légales d'usage de l'arme» par le policier auteur du tir, âgé de 38 ans, «ne sont pas réunies», avait souligné dans la matinée le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache. Le policier a été inculpé pour homicide volontaire et placé en détention provisoire, a ensuite annoncé le parquet.

En garde à vue, «les premiers» et les «derniers mots» du policier auteur du tir ont été des excuses à la famille, a rapporté son avocat, Me Laurent-Franck Liénard, sur la chaîne de télévision BFMTV, affirmant que son client n'avait «pas voulu tuer».

Le drame à l'origine de l'embrasement s'est produit lors d'un contrôle de police de la voiture conduite par Nahel, connu pour des refus d'obtempérer, les derniers ayant donné lieu à sa présentation au parquet le 25 juin, en vue d'une convocation en septembre devant un tribunal pour enfants.