«On ne peut plus battre, dans nos démocraties, l’extrême droite simplement avec des arguments historiques et moraux». Le président Emmanuel Macron a confirmé son désaccord avec la Première ministre Elisabeth Borne ce 31 mai. «Cette extrême droite s’est transformée», a-t-il précisé. Avant d'ajouter : «Elle a beaucoup d’électeurs aujourd’hui qui ne votent pas pour cette histoire mais votent parce qu’ils se disent au fond on n’a pas encore essayé cela et ce qu’il nous propose paraît séduisant.»
Différences stratégiques
Le 30 mai, en Conseil des ministres, le président avait remis en place sa ministre en affirmant, selon Le Figaro citant un témoin : «Le combat contre l’extrême droite ne passe plus par des arguments moraux. Vous n’arriverez pas à faire croire à des millions de Français qui ont voté pour l’extrême droite que ce sont des fascistes.» «A ce moment-là, on s’est tous tournés vers elle pour la regarder : elle n’a pas bronché», rapporte encore la source du quotidien, qui ajoute: «Tout le monde a bien compris qu’elle était visée (...) Et il n’a rien fait pour qu’on pense le contraire.»
Un recadrage qui faisait suite aux déclarations d’Elisabeth Borne le 28 mai, au micro du journaliste Frédéric Haziza sur Radio J. L’ancienne ministre socialiste avait qualifié le parti de Marine Le Pen d'«héritier de Pétain». Une sortie qui n’a donc pas seulement agacé les membres du Rassemblement national.
L’échiquier politique divisé
Le président a donc confirmé sa divergence avec Elisabeth Borne, bien qu'il lui ait renouvelé sa confiance à la fin de son allocution.
Les déclarations de la Première ministre puis le désaveu présidentiel ont entraîné une cascade de réactions politiques. A gauche, le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard, interrogé par la presse le 30 mai à l’Assemblée nationale, a pointé du doigt le fait que le président n’avait pas recadré sa ministre lorsque cette dernière «avait dit publiquement qu’elle considérait que la France insoumise, la Nupes, qui sont l’opposition républicaine, étaient plus dangereuses que le Rassemblement national».
Interrogé sur France Inter le 31 mai, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a, lui, soutenu son chef de gouvernement, affirmant que «le RN a une histoire et que la Première ministre est parfaitement fondée à rappeler cette histoire». A droite, c’est le chef de file des députés Les Républicains Olivier Marleix qui a également défendu Elisabeth Borne. Sur Public Sénat il a affirmé ce 31 mai : «A titre personnel, je n'oublie pas qu'il y avait Pierre Bousquet, un Waffen-SS, dans les fondateurs du FN.»
Des attaques qui renforcent le RN ?
Face à la polémique, le président du Rassemblement national Jordan Bardella a rappelé sur les ondes de RTL que figuraient, parmi les fondateurs du RN, des résistants comme Georges Bidault, successeur de Jean Moulin à la tête du Conseil national de la résistance. Et d’ajouter : «L’histoire est complexe et si on la rappelle pour notre mouvement (...) alors il faut la rappeler pour toutes les familles politiques.»
L'eurodéputé en a profité pour tancer Elisabeth Borne, celle-ci ayant longtemps été au Parti socialiste, parti ayant fait élire François Mitterrand, qui avait «reçu des mains du maréchal Pétain la francisque, c’est-à-dire la plus haute distinction du régime de Vichy». Il a également évoqué la proximité entre le président Mitterrand et l’un «des administrateurs du régime de Vichy, Monsieur Bousquet».
Un autre cadre du RN, l'élue du Var Laure Lavalette, estime même voir dans cette anicroche entre le président et la Première ministre «une dame sur le départ», «un dernier dérapage». «Elle a un peu craqué pour avoir sorti ça», a-t-elle ajouté.
En désavouant la cheffe du gouvernement, Emmanuel Macron a montré un nouveau signe de rupture avec Elisabeth Borne, qui n'aurait pas été, en 2022, le premier choix du président, selon des enquêtes de plusieurs médias. Souvent annoncée sur la sellette seulement un an après son arrivée aux commandes, éprouvée par la réforme des retraites, la Première ministre semble en sursis.