Un quartier vidé de tout passant. Un homme au brassard orange «police» posté devant chaque porte d'immeuble. Désormais, les déplacements du président se tiennent à distance de la foule. Dans la majorité, les cadres sont requinqués par la bonne séquence sur l'industrie du chef de l’État, qui multiplie annonces et interventions dans les médias. Quant au front des retraites, «ça s'apaise, ça va dans le bon sens», souffle un parlementaire Renaissance.
Difficile, pourtant, d'attester d'un véritable retour à la normale en observant les déplacements officiels. Car pour toute visite annoncée à l'avance, un comité d'accueil attend le président, sa Première ministre ou les membres du gouvernement. Rarement nombreux, souvent syndiqués, ces manifestants n'en sont pas moins d'une bruyante efficacité, avec leurs casseroles et autres ustensiles. Et pour chacune de ces sorties, le dispositif de sécurité est massif.
«Je le regrette», a assuré Emmanuel Macron à La Voix du Nord. Vous me connaissez, je vais toujours au contact, y compris pour me faire engueuler. Mais quand les gens viennent pour lancer des projectiles, agresser ou couvrir votre voix, ce n'est que de l'incivisme. Il ne faut pas être obnubilé par une toute petite minorité. Je pense que ça va s'apaiser.»
Pour ses retrouvailles avec le terrain, le 19 avril en Alsace, le président avait osé le bain de foule, au prix de violentes huées et d'échanges verbaux salés. Depuis, il n'a pas vraiment réitéré l'exercice, privilégiant les étapes-surprises, tenues secrètes jusqu'à la dernière minute, y compris pour les journalistes qui l'accompagnent.
Mêmes scènes observées au contact de la Première ministre
A la Réunion, où Elisabeth Borne a effectué une visite de trois jours, un dispositif de sécurité digne d'un siège entourait le Conseil départemental. A Saint-Pierre, conspuée par une trentaine de personnes rapidement tenues à meilleure distance, la Première ministre opte finalement pour une visite improvisée du marché d'une commune voisine. Et les journalistes embarqués dans le cortège officiel de voir leur bus savamment distancé, derrière un motard de la gendarmerie subitement au ralenti.
Sous la halle du marché, pas d'incident à signaler, et la meute de reporters retardée finit par être lâchée. Élisabeth Borne y restera un quart d'heure. «Comme on a un certain nombre de personnes qui s'organisent pour manifester bruyamment, qui ne veulent pas discuter, on prendra l’organisation qu'il faut pour que ça ne m'empêche pas de discuter avec les Français», explique la Première ministre.
Alors que la mobilisation a marqué le pas, et dans l'attente d'une 14e journée de manifestation le 6 juin, ces casserolades «peuvent contribuer à créer une ambiance. Mais la question, c'est de savoir si le mouvement social reprend ou pas» et «je n'y crois pas du tout», évacue un stratège de la Macronie. Pour lui, parlementer avec ces porteurs de casseroles est «une connerie». Mais tous ne sont pas du même avis. «Je vais leur parler, ils rangent leurs casseroles et voilà», confie un important parlementaire de la majorité. «C’est une mobilisation essentiellement syndicale. C’est important de relancer rapidement les négos», juge-t-on de même source. Élisabeth Borne a entamé le 16 mai un cycle de rencontres avec les partenaires sociaux.
Débauche de moyens
Appuyées par des arrêtés préfectoraux parfois créatifs, les forces de l'ordre ont mis en place des périmètres de sécurité de plus en plus imposants. Et les effectifs sont rudement mis à contribution. «Il y a une débauche de moyens à cause d'un contexte social très tendu» mais «pas de détournement de mission», juge le délégué national d'Alliance Police nationale, Eric Henry.
«Un engagement accru alors qu’on sort déjà d’une période compliquée avec les retraites», estime pour sa part Grégory Joron, secrétaire général d'Unité SGP Police. «Pour chaque déplacement, on doit être là bien avant et bien après. Cela rajoute à la pression opérationnelle qui est déjà forte, avec de la fatigue, des repos que l’on fait sauter». «Comme pour les Gilets jaunes, la réponse doit être sociale et politique, pas policière», insiste Grégory Joron.