France

Sainte-Soline : la LDH accuse les autorités d'avoir entravé l'intervention des secours

La Ligue des droits de l’homme accuse le commandement des forces de l’ordre d’avoir entravé le travail des équipes de secours. Pour appuyer ses dires, le groupe de pression a publié l’enregistrement audio d’un échange téléphonique.

Les forces de l’ordre ont-elles empêché les secours de faire correctement leur travail en marge de la manifestation du 25 mars à Sainte-Soline, où deux hommes ont été grièvement lors de violents affrontements et sont actuellement dans le coma ? C’est la ligne que défend la Ligue des droits de l’homme (LDH), dont des branches locales sont elles-mêmes cosignataires de l’appel à manifester contre les projets de construction de «mégabassines».

Le groupe de pression dit avoir constaté «plusieurs cas d’entraves par les forces de l’ordre à l’intervention des secours». Pour étayer son accusation, la LDH a publié ce 29 mars un échange téléphonique entre l’une de ses équipes et deux interlocuteurs, un pompier et un opérateur du SAMU, concernant l’évacuation d’un blessé grave.

«Vous en êtes où là ?», entend-on demander un homme de cette équipe, complétée par trois avocats et basée à une quinzaine de kilomètres du lieu de la manifestation. Quelques instants plus tôt, cet individu, présenté comme médecin par la LDH et estimant qu’il fallait «une évacuation immédiate», s’était vu répondre par le pompier que le SAMU «n’envoie personne sur place».

«C’est à l’appréciation des forces de l’ordre»

«Alors déjà, le problème, c’est que vous n’êtes pas sur place, donc c’est un peu compliqué», rétorque par la suite l’opérateur du SAMU au médecin de la LDH. «On a eu un médecin sur place et on lui a expliqué la situation, c’est qu’on n’enverra pas d’hélico ou de SMUR [Service mobile d'urgence et de réanimation] sur place, parce qu’on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l’ordre», poursuit-il. «Moi je suis avec des observateurs de la Ligue des droits de l’homme, [...] leurs observateurs sur place disent que c’est calme depuis 30 minutes et que donc il est possible d’intervenir», réplique à son tour le médecin qui a tenu à conserver l’anonymat.

«Le problème, c’est que c’est à l’appréciation des forces de l’ordre», répond alors l’opérateur. Peu après, le médecin laisse sa place à l’un des avocats de la LDH. Ce dernier insiste pour que l’opérateur lui «confirme» que le SAMU a l’«interdiction d’intervenir», et si oui de «quelles institutions», afin «que les responsabilités soient établies». «C’est le commandement sur place», finira par lâcher l’interlocuteur de la LDH, non sans avoir souligné à plusieurs reprise la situation sécuritaire dégradée à Sainte-Soline.

«On n’a pas l’autorisation d’envoyer des secours sur place, parce que c’est considéré comme étant dangereux sur place», justifie-t-il auprès de l’avocate, «nous devons avoir nos secours en sécurité également, malheureusement on n’a pas l’autorisation de les envoyer comme ça». Une situation confuse et tendue, comme le relate la correspondante du Point. Cette dernière fait part de jets de projectiles, à l’heure où l’équipe de la LDH et le SAMU devaient échanger.

Des évacuations retardées par les violences, selon les autorités

Les autorités s'appuient sur cette absence de sécurité afin d’évacuer convenablement les blessés, pour justifier le délai d’intervention des secours. C’est notamment le cas de la préfecture des Deux-Sèvres, dans un communiqué publié le 28 mars en réponse à l’article du journal Le Monde titré «Sainte-Soline : l'enregistrement qui prouve que le SAMU n'a pas eu le droit d'intervenir» et basé sur l’enregistrement de la LDH.

La préfète met notamment en avant «le rôle essentiel joué par un médecin de la gendarmerie, qui a notamment porté secours à un participant blessé en urgence absolue, au milieu d’un groupe d’opposants agressifs. Il a été la cible de projectiles à son départ alors qu’il a prodigué les premiers secours et attendu l’arrivée du SAMU à ses côtés».

«Non, les secours n'ont pas été empêchés par les forces de l'ordre» a quant à lui défendu ce 29 mars, face au sénateur écologiste Thomas Dossus, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Le locataire de la place Beauvau a, lui aussi, insisté sur le degré de violence auquel les forces de l'ordre ont été confronté lors de cette manifestation interdite.

Selon la gendarmerie, «un retour relatif au calme» avait été constaté depuis 14h20, autour de la bassine, soit trente minutes avant l'appel, avant une brève reprise des heurts entre 15h23 et 15h27, relate l’AFP. D'après la préfecture, un premier appel aux pompiers avait signalé le blessé à 13h49. Déclenché à 14h01, un SMUR de Charente, que les gendarmes ont renoncé à escorter jusqu'au bout face à «l'hostilité» de certains manifestants, a rejoint la victime à 14h57 ; elle a été héliportée vers l'hôpital de Poitiers à 16h34, retrace encore l’agence de presse. En somme, le blessé grave n’a été évacué que trois heures après le premier appel d’urgence.

«Ahurissant» de dire que les gendarmes ont empêché la venue des secours, selon Rodriguez

Enfin, ce 30 mars, le patron des gendarmes Christian Rodriguez a tenu à faire savoir qu'il jugeait «ahurissant» et «indécent» qu'on puisse considérer que «des gendarmes vont s'opposer à des secours».

Interviewé sur sur France Info, le directeur général de la gendarmerie nationale a expliqué que ses hommes disposaient sur place de «trois équipes médicales». «Un médecin de la gendarmerie est intervenu avec son infirmier justement sur l'une des deux victimes. Ils ont été caillassés», a-t-il affirmé.

Pour l’heure, les familles des deux manifestants dans le coma ont porté plainte contre X pour «tentative de meurtre et entrave volontaire à l’arrivée des secours». Selon le décompte fourni par le parquet de Niort, lors de cette seule journée de heurts à Sainte-Soline, trois manifestants et deux gendarmes ont été gravement blessés et hospitalisés en urgence absolue.